Studio Agate

Levko ne fut pas effrayé par l'image renvoyé par la machine, grâce à Yardan et ses explications, il s'était attendu à cette vision.
La mort, le meurtre, la violence étaient ancrés dans son être depuis le jour où son destin avait basculé sous les bottes des soldats. Une innocence envolée remplacée par une soif de justice et de vengeance.
Mais Levko avait beaucoup appris au contact de ses derniers compagnons d'arme et au fond de lui il espérait une rédemption pour ce qu'il avait fait et serait encore amené à faire, dut-il en passer par la violence.

Il commença à organiser les couleurs comme ils avait vu Yardan le faire. Le noir de la damnation et le rouge du sang de ses victimes s'entremêlant dans des spirales maladroites. Puis des lignes jaunes pour symboliser l'amitié, la fraternité qu'il avait commencé à trouver. Et tout au fond de lui cette étincelle d’innocence qu'il ne retrouverait jamais complètement mais qu'il aspirait à revoir même s'il elle devait être entachée.

Il retira sa main lentement de la plaque et attendit le verdict, quel qu'il soit.

Levko découvrit comme auparavant Caliobé et Yardan, une niche s'éclairer d'un passage dans lequel il pourrait s'engager.

... et comme précédemment, il disparut...

Spoiler

Le gobelin était demeuré perplexe face aux formes que formaient les différentes couleurs... Yardan, Levko et même Dharka posèrent à leur tour la main sur le dispositif tandis que Kru'ul demeurait songeur...

Les drows étaient plus âgés que ceux qu'il avait l'habitude d'observer. L'enseignement qu'ils suivaient étaient également bien différent. Leur professeur semblait âgé même s'il était difficile de donner un âge à un elfe noir. Il se tenait face à eux dans l’amphithéâtre et s'exprimait d'une voix posée et pourtant avec une certaine passion :
« L’art est le reflet de l’âme et des désirs. Il exprime parfois à notre corps défendant ce qui se tapis au fond de nous. C'est tout particulièrement le cas de la peinture : lorsque vous peignez, la force du trait, le choix des couleurs ou la souplesse des contours en disent bien plus long sur vous que le sujet représenté sur la toile lui-même ! Oh bien sûr vous pouvez chercher à vous dissimuler, à atténuer votre empreinte mais d'une part cela rendra votre œuvre impersonnelle et sans intérêt et d'autre part, un œil averti saura toujours y déceler votre vraie nature. C'est la raison pour laquelle il est extrêmement rare que nous signions nos œuvres contrairement aux créatures de la surface. Cela est d'autant plus vrai pour les toiles les plus prestigieuses de notre peuple. »

Revenant à la réalité, Kru'ul s'avança à nouveau vers l'objet de l'attention en jouant quelque peu des coudes pour y avoir accès malgré les longues jambes qui l'entouraient. Il posa à nouveau sa main sur la surface oblongue et inspira profondément avant de laisses ses doigts agiles remodeler les volutes de couleur : d'abord il entrepris de former une grande spirale lévogyre de noir au centre de laquelle se trouvait la structure géométrique blanche qu'il pris bien garde à ne pas toucher, puis il fit de même avec le jaune mais cette fois-ci la spirale était dextrogyre de sorte qu'elle intersectait la spirale noire comme pour ouvrir une voie à la forme blanche au centre des deux spirales. Il ignora les rares traces de rouge qui parsemaient l'ensemble, estimant qu'elles avaient leur place ainsi.

Il regarda un instant son œuvre et satisfait leva les yeux vers les niches bordant l'arène, se demandant si l'une d'elle allait lui ouvrir un passage...

Le silencieux et concentré Kru'ul comme ses prédécesseurs ouvrit un portail dans une niche.

...

Dharka Shaan s’avança à son tour. Elle manipula l’ecran pour que les flocons blancs deviennent bientôt tempête puis blizzard, gelant les lames noirs au fur et à mesure qu’elles s’avancaient. Elle recula ensuite puis attendit.

Dharka cherchait à utiliser au maximum le peu de blanc disponible pour l'étendre, mais ressentait un trouble, un vertige, une dissonance.

Elle pouvait repousser le noir des lames, mais il était si nombreux, qu'il fallait créer plus de neige pour les glacer. Elle ressentait qu'un changement d'équilibre était possible, mais qu'il ne suffisait pas de le décréter : il fallait le vivre.

Le noir, le rouge, le jaune, le blanc.

L’œuvre créée ne pouvait que grandir à partir du matériau existant. Le changement était possible, mais il ne pouvait pas être intégral ni instantané.

L’elfe noire ressentit des picotements dans son crâne et se massa le front distraitement. Elle balaya d’une main irritée la scène devant elle et posa de nouveau sa main sur la structure. Elle se servit alors du rouge pour envelopper les lames noires qui progressaient et ainsi les diviser en plusieurs lignes parallèles. Elle fit progresser alors le blanc a l’abri des écrins carmins jusqu’au extrémités. Elle referma ensuite les pinces rouges autour des lames , afin de les isoler du reste de la masse sombre. Une fois le noir piégé et isolé, elle permettait au blanc de rentrer dans les vésicules afin de s’y confronter.

Matian avait plongé dans une profonde méditation à la vue de l’écran sous ses doigts, puis aux paroles du moine. Les autres, un à un, franchissaient le portail, franchissaient leur destin. Comment assembler l’écran ? Quelle était pour lui la clef ?

Lorsqu’il le put, il revint devant l’écran et, toujours à demi immergé dans ses pensées vaporeuses, il se vit dessiner avec le blanc, le rouge et le jaune une spirale sans fin à travers le noir dominant. La spirale plongeant dans l’infini. Le symbole l’effrayait, tout du moins une partie de lui, car sa crainte était de se perdre, de se noyer dans les arcanes habitant son esprit. Mais s’il y avait un chemin à suivre, ce devait être celui-là. Il fallait plonger et voir ce qu’il y avait au bout.

Tour à tour, Dharka et Matian ouvrirent leur propre portail.


De son côté Taliesin put enfin prendre du temps avec l'écran.

Tout commença dans les ton jaunes et blancs, tout au plus soulignés de lisérés rouges et noirs. Des fleurs et des motifs gazeux s'entremêlaient, se faisaient et se défaisaient dans un tableau poétique. Mais les larmes noires se mirent à ruisseler de toutes parts pour noyer les motifs tandis que de fragiles figures géométriques apparaissaient. Elles soutenaient des lignes rouges qui se brisaient sans cesse. L'éclat noir d'une bruine ténébreuse se répandait et noyait un chaos gazeux tout au plus parcouru d'éclats et de fragments colorés. Pourtant un îlot dominé par le rouge commençait à se former, tandis que le noir refluait doucement.

Kru'ul avait réussi comme les autres avant lui à activer l'une des niches. Il commençait à se diriger vers celle-ci quelque peu hésitant quand il se souvint de Kaan qui avait disparu par les escaliers. Il décida que son épreuve puisqu'il imaginait que c'était ce vers quoi l'emmènerait son passage pouvait attendre un peu... après tout le drakéïde allait se demander où ils étaient tous passer et peut-être même passer à côté de son épreuve ! Le gobelin trottina vers les escaliers et lança d'une voix crillarde :

[Elf] Hey, Kaan ! T'es par là ? Les autres sont.... euh... partis !