par Etmer_Fachronies »
05 mai 2019, 00:44
En transe, Yardan ouvrit doucement la main. Le pendentif fila entre ses doigts. Il tomba dans la vasque, presque sans bruit...
Rien ne se passa.
Le moine attendit encore. Toujours rien.
Un sourcil relevé, Yardan regardait le réceptacle sans vie. De toute évidence, il avait raté quelque chose.
A son côté, Levko s'avança vers l'urne, plein de conviction. Il y déposa son épée tant appréciée, et attendit à son tour. Une fois encore, ce fut sans effet.
Le moine secoua la tête, perplexe.
[Arolave] - Draaz nous assiste, route fausse nous est laissée à arpenter. Savoir inconnu nous fait défaut, et présents dons ne servent guère.
Il ramassa son précieux pendentif, et le remis prestement autour de son cou.
[Arolave] - Mais où donc fil des logiques s'égare-t-il ? Gestuelle de dame Caliobé se doit d'être guide nôtre en cet instant d'errance.
Alors qu'ils réfléchissaient, Kaan'an les rejoignit dans la salle annexe. Bien que fatigué, le Drakéïde s'engagea à son tour devant la vasque de pierre. Il y posa quelques uns de ses vêtements, sembla se concentrer un temps, puis fit apparaître une dague pour s'entailler la main.
A la grande surprise des trois autres, le portail apparu presque instantanément.
L'homme-dragon fit un étrange signe de la tête aux restants, puis s'en fut dans le portail luminescent.
[Arolave] - Signe lancé n'était guère annodin, souffla le moine. C'était tête qui était pointée... Ou peut-être esprit sien...
Le moine claqua des doigts sous la révélation.
[Arolave] - Levko, errance fut bien nôtre. Épreuve Sacrée n'évoque pas possession matérielle, mais au contraire acquis spirituels !
Yardan sourit. L'énigme de cette salle s'illuminait sous un jour nouveau.
Mais alors que le moine s’apprêtait à mettre son idée à l’œuvre, l'imprévu s'invita de nouveau dans la petite salle. Une pâle figure éthérée venait de se matérialiser devant eux. Le disciple du Commencement écarquilla les yeux. C'était Kru'ul, le petit gobelin qu'il avait secouru quelques instants plus tôt, avant qu'ils n’entament tous leur folle ascension vers le portail. Vêtue d'un simple pagne, l'apparition arborait un grand sourire serein.
[Svirfnebelin] - Salut ! Finalement, je crois que je vais vous laisser continuer sans moi. J'ai trouvé ce que j'étais venu chercher et compte bien profiter des derniers instants de ce monde ! Alors bonne chance à vous ! Passez mes salutations au lézard et à l'araignée si vous les recroisez !
Puis, sans attendre d'avantage, le fantôme s'en retourna, et se dissipa comme fumée au vent.
Portant une main ouverte devant son visage, Yardan se signa doucement, et se mit à psalmodier une prière de Jishim Saadar, son île natale. Car oui, son instinct le lui soufflait, c'était bien l'âme du gobelin qui s'était manifestée à eux.
En cette heure sombre, Kru'ul avait trépassé. Comme Xanthut, parti encore plus tôt. Deux quêteurs s'en étaient allés, partis au-delà du voile de Mort vers leur dernier voyage.
[Arolave] - Où que repose corps qui est vôtre, puissiez-vous reposer en paix, ô sire Kru'ul. En brave vous avez quêté Savoir et Lumière, et pareil effort toujours se pâre d'éloge. En Brave reposerez-vous donc. Puisse les égides de Mort louer le Requérant que vous fûtes. Puisse la Balance vous être favorable à l'heure du Jugement.
Le moine ferma les yeux, et ouvrit ses deux bras dans l'air saturé de fumée. Il resta un instant ainsi, immobile, puis se détourna. Le gobelin n'était plus, et eux s'en devait de partir.
Yardan avança de nouveau devant la vasque. Chose surprenante, des mots semblaient s'y être inscrits, des mots qui n'y étaient pas l'instant d'avant. Un signe des Divins ? L'adepte du Geste décida de les lire à voix haute, tant pour lui que pour Levko et Taliesin.
[Arolave] - Ici règnent la mort et le désespoir. Laisse tout ce qui te retiens. Délie-toi de tout ce qui n’est pas essentiel.
Le moine hocha la tête. Cela concordait.
[Arolave] - Présente salle à l'épreuve soumet essences des Requérants, tant physiquement que mentalement.
Le moine réfléchit intensément. Son idée première, à savoir se séparer de son collier du Dragon, n'avait pas fonctionnée. Il s'était trompé, tant dans la forme que dans le fond. Les chaînes qui retiennent... Il se devait de les identifier, et ce au regard de ce qu'il avait apprit ici, en ce lieu révélé par les Divins.
Le moine sourit tristement. Pour lui, fidèle sans faille des doctrines de foi du Dieu-Dragon, la remise en cause n'était pas quelque chose qui allait de soi. En effet, si la Grande Roue présidait aux destinées, ainsi se creusait le Sillon de chacun. Si une chose arrivait, c'était un fait nécessaire. Le propre du Vertueux était d'en prendre parti, et d'aller de l'avant. Le Grand Tout n'était qu’Épreuve, qui chaque jour s'en venait forger âme et corps du Requérant. Les chaînes n'existaient pas, car c'étaient en fait des marches sur lesquelles s'appuyer pour avancer.
Non, cela ne se peut. Yardan sentait qu'il faisait fausse route à réfléchir ainsi. L’Épreuve commandait l'introspection, et la découverte de chaîne qui toujours bloquaient l'avancée de l'être.
Il décidé donc de réfléchir autrement, et s'en référa aux fondamentaux de son ordre. Lentement, il se remémora l’Étoile des Dix Vertus. Connaissance. Effort. Piété. Courage. Humilité. Droiture. Épreuve. Tempérance. Sagesse. Passion. Chacune d'elle avait un rôle dans la Voix du Requérant. Draaz, Dieu-Dragon de l'Accomplissement, avait pavé le chemin pour qui souhaitait voir au-delà des apparences, et ce chemin impliquait une quête perpétuelle de perfection.
En ce lieu, en cette heure, Yardan pouvait-il se targuer d'être à la hauteur de cette exigence ? Non. Ce n'était pas le cas. Avec ce que les Dieux lui avaient montré aujourd'hui, il devait se rendre à l'évidence. Pour lui qui s'était forgé de certitudes quand au monde et à ses acteurs, il devait faire preuve d'humilité, et reconnaitre son erreur.
En vérité, il ne savait rien.
Il ne connaissait qu'une image du possible. Un vernis fin et brillant, plaisant à voir mais qui occultait l'immensité du Grand Tout. Le monde était bien plus vaste, bien plus grand que ses certitudes et ses expériences ne lui avait soufflé. La destruction du paradis originel, le cataclysme, le sauvetage des premiers nés... tout ceci était des pièces importantes, sur un échiquiers plus vaste encore. Oui, il ne savait rien. La connaissance était la première des Dix Vertus. Jusqu'à ce jour, il pensait l'avoir comprise, il pensait l'avoir suivie... mais c'était une illusion.
En cette heure, Yardan devait faire le deuil de ses fausses certitudes. Il avait jugé trop vite. Sa foi, la sagesse des Paroles des premiers Prophètes, ses clefs mêmes de la compréhension du monde, tout cela était une force sur laquelle compter. Mais se reposer sur cette force sans questionnement pouvait mener au pire. A l'aveuglement. Toujours, les Dix Vertus se devaient d'être respectées, et ce même au prix des illusions perdues.
Mortifié par le poids cette révélation, Yardan regarda la vasque vide. Oui, il s'était bercé de confort, et s'était égaré sans le savoir. A partir de ce jour, il se devrait de chercher plus avant la vérité, être humble et franc, sans laisser miner sa quête par des préjugés ou des faux-semblants.
En pensant échapper à l'Enfer de l'Ignorance, il avait cédé aux trois Enfers de l'Orgueil, du Contentement et de l'Absolu. Cela ne devait plus se reproduire.
Yardan ramassa une poignée de poussière au sol, et la laissa tomber dans l'urne. Cela, et le poids immense que représentaient ses certitudes perdues. En cette heure, seule sa compréhension nouvelle comptait.
[Arolave] - Sire Levko, si permission est mienne...
Mais alors que le moine allait presser sa main contre le tranchant de la rapière du sicaire, un portail lumineux se dessina. Verser son sang n'était pas requis.
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Etmer_Fachronies le 05 mai 2019, 09:48, modifié 1 fois.
Les Aigles d'Arolavie : Yardan, adepte du Dieu-Dragon - Moine de niveau
6
CA
15 - PV
45/45 (6d8) - DV
6/6 (d8+2) - Points Ki
6/6 - Héroïsme
3/3 - Gourde
10/10