Studio Agate

Caliobé poussa une sorte de gémissement, un bruit qui ignorait ce qu'il était, perdu entre un sanglot et un cri de joie. Elle grogna ensuite, plus prosaïquement, pour se remettre en route et suivre le mouvement au mieux, sans ralentir le groupe si possible.

Elle était faible, malade, en colère et déterminée.

Kaan'an ne tarda pas à suivre la petite abeille, coinçant la graine de tilleul sous sa langue afin de ne pas la perdre pendant la nage. Ce genre de maladresse était bien la dernière chose dont le petit groupe avait besoin.

Combien de graines restait-il ? Les créatures se faisaient de plus en plus nombreuses à les pourchasser. Si cela devenait une épreuve d'endurance, tenir le coup serait difficile.

Lorsque ses compagnons l'eurent rejoint, le Drakéide tendit la graine à Yardran. Elle serait plus en sécurité avec le moine, et de toute manière Kaan'an n'avait rien pour la conserver sur lui.

La seconde graine récupérée, il était temps de repartir, Levko ferma la marche aidant Caliobé à avancer plus vite. Il tournait la tête de temps en temps pour vérifier l'avance qu'il leur restait sur les créatures.

L'abeille avait peut-être d'autres graines à leur offrir, ils la suivirent.

L'intuition de Kaan'an et Levko paraissaient en voie de se concrétiser : l'abeille était encore pressée de chercher un trésor de vie, mais les créatures, aisément distancées sitôt que le groupe courait, n'abandonnaient pas, et progressivement, les petites anémones aberrantes se signalaient de plus en plus agressivement. Elles tendaient leurs tentacules acides pour freiner la course des intrus. Il fallait parfois contourner, perdre du temps, regarder par dessus son épaule...

Spoiler

Caliobé luttait,
... elle qui avait si souvent la plus forte, la plus endurante, la plus résistante ;
... elle qui autrefois avait été la plus fière combattante,
Courageuse jusqu'à la témérité,
Audacieuse jusqu'à l'inconscience,
Fière jusqu'à l'orgueil,
Aujourd'hui, elle était un fétu de paille qui ne survivait que parce que d'autres se relayaient et s'épuisaient à l'aider, et risquaient leur vie pour elle, alors qu'elle n'était plus d'aucune utilité.

Elle avait fui la société des elfes de lumière et cherché celle des fées en ne faisant que traverser celles des humains.

Spoiler

Les deux hommes devaient se relayer et sentaient que leurs pas étaient plus lourds tandis que la course de l'abeille paraissait erratique.

Horreur ! Les anémones géantes et lentes n'étaient pas les seuls adversaires ici ! Il y avait des choses volantes de la taille de chauves souris et dotées d'une sorte de gueule de lamproie à la place de la face ! Ces créatures fonçaient vers l'abeille !

Elle cherchaient un refuge, en danger d'être anéantie dans l'accomplissement fragile d'une mission de la plus haute importance.

Épuisée, malade, dépourvue de ses pouvoirs depuis si longtemps que leur souvenir en devenait flou, Caliobé était plus faible que jamais.

Pour autant, elle n'était pas vaincue. Loin s'en fallait.

Elle était en danger, mais pas autant que l'abeille qui incarnait, à ses yeux, l'avenir d'Eana et une forme de lien ténu avec le Seigneur Sauvage, c'est du moins ce que lui murmurait ses intimes intuitions.

La Melessë força le pas jusqu'à elle en l'appelant et en ouvrant ses mains en formant un cocon protecteur pour empêcher la moindre créature de tenter de la gober.

"Viens ici ma belle, je te protégerai de mon corps."

Spoiler

Spoiler

La horde des répugnantes créatures se précipitait sur Caliobé qui offrait un refuge à l'abeille tout en courant. Elle courait de son mieux malgré la douleur des griffures et des gueules des choses qui se fixaient à elle et tentaient de la ralentir, la faire trébucher. Elles essayaient d'atteindre l'abeille. D'autres arrivaient !

Déambulant toujours et encore dans la tourbière infâme de cendres froides et de marres d’acide, le chemin depuis une éternité. Les chiches lumières des graines et de l’abeille constituaient de frêles ilots dans l’immensité maussades, uniques perles éclatantes dans cet océan d’argile morne. Pour le petit groupe aux abois, le temps s’étirait, confus et palpable, âcre et insidieux.

Pourtant, l’heure n’était pas à l’abandon, ni à la résignation. Alors que Kaan’an avait déterré le second fragment d’espoir d’Eana, plusieurs tentacules ventripotents les avaient pris en chasse, et ne désarmaient pas. Déterminé et dur au mal, les cauchemars rampants louvoyaient péniblement, mais avançaient toujours. Peu rapides, mais avec une obstination sans borne. Implacables et affamés.

Ils étaient devenus inéluctables.

Yardan se morigéna. La Grande Roue tournait, il fallait avancer ! Souffrant sous le poids de Caliobé, lui et Levko tenaient tant bien que mal le rythme. Mais la fatigue se faisait sentir, de plus en plus.

Soudain, l’ombre vomit sans crier gare une horde d’ersatz de chauves-souris abâtardies, qui fondirent sur l’abeille. L’abeille ! Dans un réflexe de pure protection, Caliobé couru vers l’insecte. Autour d’elle, les volants se mirent à hurler, striant l’air de leurs cris suraigus.

Yardan grinça les dents, les oreilles durement meurtries. Draaz l’assiste, que ces cris étaient horribles ! Il fallait agir, et vite !

- Du feu, cria-t-il à plein poumon !

Tentant de s’éclaircir la tête tout en bougeant, le moine se jeta dans la mêlée aux côtés de l’elfe, frappant les créatures à portée de poings et de pieds.

Il fallait les faire partir au plus vite, car les bouffis visqueux n’attendaient qu’un tel obstacle pour entrer à leur tour dans la danse.

Levko fut frappé de plein fouet par les cris suraigüs des créatures volantes. Un instant il perdit le fil de ses pensées avant de se reconcentrer.
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Il sortit sa rapière pour tenter de protéger Caliobé des attaques des créatures. En prenant l'abeille sous sa protection, elle semblait être la cible de tous les assauts et dans son état, elle ne tiendrait pas longtemps.

L'injonction du moine de faire du feu était bonne mais sans matériel ni répit, il ne voyait pas comment allumer une flamme. Il espéra que le drakéide allait pouvoir les aider sur le coup.

Caliobé redoubla d'efforts pour éviter la trajectoire des créatures avides et dévier les plus voraces de son bouclier. Elle laissait aux autre la mission vitale de les abattre.

Spoiler

Quelle situation désespérée.

Kaan'an ne se l'expliquait pas, mais cette quête, ce parcours initiatique dans lequel il s'était retrouvé par hasard, avait bien finit par changer sa façon de voir les choses.
Il était libéré du poids de la servitude. Les chaines qui le forçaient à passer pour un autre, à agir selon une morale qui le bridait, étaient brisées. Les choix qu'il faisait étaient désormais les siens.

Cela lui arracha un sourire presque jubilatoire. Jusqu'à présent, il n'avait fait que subir les calamités que l'ordalie jetait au visage du petit groupe. Il était temps de rendre la pareille. Tendant un bras en direction des créatures, les doigts les doigts du Drakéide brillèrent d'une aura de pure magie alors que les mots lui donnant forme étaient prononcés:

Lah Suleyk !

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Suivant son ordre, la magie qui parcourait les doigts du Drakéide se sépara pour former trois petites sphères lumineuses, qui partirent telles des flèches en directions des lamproies voletant autour de Caliobé.

Chacune d'entre elle fit mouche, venant s'écraser sur les créatures difformes alors que celles-ci cherchaient l'ouverture qui leur permettraient de gober l'abeille.

Il fallait continuer à avancer, et s'occuper de ces choses en même temps. Difficile, mais peut être pas impossible. L'ensorceleur avait entendu Yardran crier quelque chose, un mot important dont il ne comprenait pas le sens. Comme d'habitude...
Kaan'an poursuivit son avancée, en s'écartant des créatures dont les cris perçants menaçait la concentration afin de garder ses cinq sens intacts.

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