par Etmer_Fachronies »
07 juil. 2019, 01:18
Yardan regardait encore avec étonnement les fourrés touffus dans lesquels Caliobé venait de s'engouffrer, la mine réjouie et résolue. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas vu la jeune femme aussi enthousiaste, elle paraissait presque transcendée. Avait-elle été appelée par une instance divine ? Après tout, en ce lieu béni par les fées, vibrant de vie et d’enseignement, nombre de choses étaient possibles.
Le moine avisa Kaan’an, qui venait de s’adresser à eux dans l’idiome chantant des elfes. Le disciple du Commencement secoua pensivement la tête. Caliobé partie, le fil traducteur n’était plus. Cela s'annonçait compliqué.
Soudain, il nota plus loin un détail qui lui avait jusque-là échappé. Une porte. Une porte massive, même, aux arabesques de bois riches et au pourtour de granit sombre. Elle semblait taillée dans la masse, comme jaillie de l’ensemble tant elle s’intégrait bien à la fresque naturelle. Cachée derrière les chutes de la cascade, lourde et vigilante, elle attendait.
Faisant un signe à ses deux frères d’Epreuve, Yardan s’avança en direction du seuil imposant. Avec Caliobé partie la Balance savait où, cette porte leur était un phare en cet océan d’incertain.
Suivant le sentier moussu à flanc de roche, le moine brava les eaux qui tombaient des hauteurs et s’approcha des battants de bois. Prudent, il posa une main sur le premier, et… une voix sourde retenti alors dans sa tête.
[Kalaam] - Quelles sont les forces de l’hiver qui nourrissent ton renouveau ?
Yardan écarquilla les yeux, surprit. L’esprit s’était adressé à lui dans sa langue natale, le parlé des contrées des Sables, mais avec les idiomes de ceux des îles.
Le sens, cependant, n’en était que plus clair.
Ainsi donc, l’Epreuve Sacrée requérait de nouveau réflexions et déductions quant aux scènes et impressions qui leur avaient été données de voir ces dernières heures. Quoi de plus normal, après tout ? La sortie de l’enfer des flammes avait bien requis l’abandon des illusions qui les emprisonnaient de leur carcan de certitudes. Cette fois, c’était au contraire ce qui s’était construit sur ce terreau vide qui lui était demandé. Ce que son cœur et sa tête avaient construit, sur les ruines fumantes des débris de l’ancien monde. Ce qu’il emporterait avec lui, maintenant débarrassé des masques et des mensonges.
Yardan sourit. Le parcours qu’ils suivaient faisait en vérité échos au passé du monde. D’abord, le chaos, qui fit table rase du passé. Et maintenant, le renouveau, qui a éclot sur ses ruines. Des cendres des forêts primordiales aux cendres des ignorances, il n’y avait qu’un pas, que l’adepte de Draaz franchit sans hésiter.
Les forces de l’hiver… En un éclair, l’homme tatoué repensa aux dernières heures qu’ils avaient vécues. Le désespoir dans le cimetière de cendres froides, la fuite éperdue devant les anémones, leur bataille contre l’abomination, le miracle des graines d’espoir, le retour de la nature… Cela semblait peu, et pourtant la signification était immense.
Plus avant encore, il songea aux terres fertiles, aux peuples qui vivaient en quiétude sur ces étendues vierges, aux géants et aux dragons, à la mort injuste qui s’était abattue des cieux, aux cris et aux flammes, à la fin et au renouveau... Tant s’était passé. Et tant aurait pu ne plus être. Sans l’espoir et l’opiniâtreté des graines bénies, et sans une petite abeille qui avait mis en marche le destin, rien ne se serait passé.
Etait-ce une coïncidence ? Etait un rêve, une parabole ? Ou au contraire l’écho d’une vérité nécessaire ?
L’homme des îles regrettait de n’avoir aperçu qu’une partie de fils que la Grande Roue avait entremêlée. Qu’étaient devenus tous ces gens chassés par les flammes ? Ils n’avaient jamais atteint le portail. En Outremonde, peut-être ? Mais que s’était-il alors passé ? Et quelle était la cause exacte du feu du ciel, qui avait rasé le monde naissant ? Comment les Dragons avaient-ils réagit alors ? Lui et ses compagnons étaient allés vite, trop vite. Tant de pièces manquaient à l’édifice. Et qu’étaient devenus leurs autres frères de quête ? Avaient-ils trouvés leurs réponses, en d’autres endroits ?
Pourtant, en son for intérieur, Yardan savait que là n’était pas l’important. Ce qui comptait en cette heure, en dépit des absences et des errements, c’était uniquement le message que les divins avaient souhaité leur véhiculer.
Ainsi donc, Yardan se recentra. L’hiver et son cortège d’horreur avait été riche d’enseignements.
Tout d’abord, le moine retenait Résilience et Courage. Alors que tout semblait perdu, les Dragons avaient su préserver ce qui importait, tout en gardant la force d’ignorer ce qu’ils savaient ne pouvoir sauver. Voir le Grand Tout en proie des flammes avait été une horreur indicible, mais ils avaient tenu bon. Et quand l’heure vint, une fois le monde redevenu froid et hagard, ils avaient su trouver l’Etincelle, et reprendre leur Droits envers et contre tout.
Ensuite, Yardan retenait Connaissance. Pour le moine, qui ne connaissait auparavant ni les forces en présences ni les enjeux de cet affrontement, voir les prémices du monde, le cataclysme et les turpitudes des âges sombre qui suivirent avaient éveillé en lui une soif de savoir. S’il pensait jusque-là connaitre nombre de choses, le disciple de Draaz savait désormais qu’en vérité, il ne savait rien. Et si sa Foi en les paroles de Draaz et en la justesse de ses enseignements ne diminuait en rien, il souhaitait désormais les parfaire en les confrontant à la Vérité du monde. Comment jauger, comment affiner, s’il manquait tant de Savoir dans sa vision des choses ? La Connaissance seule incarnait la Clef d’un esprit capable de distance, ainsi que prônait sa doctrine martiale. Il lui faudrait apprendre, toujours et encore. Après tout, il y avait tant de merveilles à découvrir, tant de réponses à trouver.
Après, Yardan retenait Sagesse. Car en vérité, qu’étaient Résilience, Courage et Connaissance, si Sagesse ne venait guider son âme au moment de les appliquer ? Comment décider de ce qui était juste, comment distinguer les frontières de ce qui était souhaitable de ce qu’il ne l’était pas ? La démesure du cataclysme était à l’image de la pieuvre abominable qu’ils avaient mise à bas, un monstre de violence terrible et aveugle. Comment faire pour ne pas finir ainsi ? Une force n’en était vraiment une que lorsque celle-ci était canalisée par le biais d’un code, d’une pensée, d’une Vision. La Sagesse était tout cela, et bien plus à la fois. C’était l’éther qui nimbait le monde intangible de l’Agir, pour le changer en Acte.
Et enfin, un nouveau principe brillait dans l’esprit du moine, pourtant absent de l’Etoile des Dix Vertus de son ordre. Il s’agissait de Compassion et Miséricorde. En effet, Yardan en mesurait la vraie valeur pour la première fois. C’était par compassion que les Dragons avaient secouru les habitants de ce monde en péril. C’était par compassion que Flore avait tendu la main à la vie, et que l’abeille avait fait renaître les fées. L’empathie était cette main tendue, qui avait permis au monde de redevenir monde une nouvelle fois. A bien y réfléchir, le Monastère entier était dans on sens premier une ode à ce don divin, à ce concept si précieux. Pourtant, ce n’était qu’à cet instant que Yardan en mesurait vraiment l’importance. C'était un présent, un engagement envers le Grand Tout. Car si la Compassion s’enchâssait dans la Sagesse, elle en était pourtant parente distincte, et ô combien essentielle.
Résilience. Courage. Connaissance. Sagesse. Compassion.
Ces cinq forces chantant dans son âme, Yardan mit de nouveau la main sur la porte de bois.
Les Aigles d'Arolavie : Yardan, adepte du Dieu-Dragon - Moine de niveau
6
CA
15 - PV
45/45 (6d8) - DV
6/6 (d8+2) - Points Ki
6/6 - Héroïsme
3/3 - Gourde
10/10