Page 1 sur 5

Inframonde. chap. 02-04 . Le seuil de du printemps - Surface

Publié : 29 juin 2019, 15:05
par Iris
Caliobé avait repris sa forme de melessë. Elle et le drakéide ouvrirent les yeux sur un paysage qui n'avait plus rien à voir avec la noire forêt qu'ils avaient jusque là traversé. La cascade était devenue le coeur d'un bosquet féerique et lui-même étendait son rayonnement de plus en plus loin, jusqu'à reconquérir la surface d'un monde nouveau. Les nuages s'étaient déchirés et la clarté du jour nouveau apportait la vie.

Levko et Yardan avaient vu la transition de leurs yeux. Elle avait duré des jours, des siècles, mais elle était si puissante que plus rien ne l'arrêtait et que les aberrations n'avaient plus de salut que loin, sous terre. Pour eux, ces décennies avaient été à la fois infiniment longues et aussi courtes qu'un songe dont ils garderaient pour toujours le souvenir.

Image

Les fées sont liées à Eana. Celles du monde d'avant avaient été détruites, mais l'intervention de Flore -- notamment -- avait permis à Eana de donner naissance à de nouvelles fées : celles du monde qu'ils connaissaient.

Image

Dans ce monde nouveau, le seigneur sauvage était né. Caliobé sentait sa présence et savait qu'il l'attendait, non loin.


Re: Inframonde. chap. 02-04 . Le seuil de du printemps - Surface

Publié : 29 juin 2019, 23:00
par Pwyll
Groggy, elle se redressa. Elle constata qu'on l'avait adossée à un arbuste touffu et vaguement moelleux. L'inventaire de son existence présente lui révéla les vagues fantômes de douleurs, alanguis dans l'obscurité de l'inconscience, qui tentaient encore de s'accrocher à son crâne, à la pointe de son menton et surtout dans son côté, là où avait niché, trop longtemps, le Chancre.

Des fantômes qui se dissipèrent à la lumière de son examen intérieur.

L'expulsion de l'infâme parasite, après le passage rituel, avait commencé très durement. Elle avait craché de la bile noire et avait manqué défaillir. Maintenant... il semblait ne rien en rester, si ce n'est la leçon de vie la plus violente qu'elle avait jamais traversée. Justement parce qu'elle n'avait jamais pensé pouvoir y parvenir et lui survivre.

Caliobé remua le bout de ses orteils puis examina ses doigts, ses ongles, avec un demi-sourire et le souvenir rageur d'une frénésie sanglante et bestiale.

Malgré le caractère déjà exceptionnel de cet inventaire intime, c'est son environnement qui la frappa de la plus grande stupéfaction. Il y avait la végétation, familière en quelque sorte, d'une magnificence presque onirique dans sa pureté et sa simplicité.

Toutefois, cette végétation n'était que l'expression d'une présence plus profonde. Les lignes de la présence des Fées s'exprimaient jusqu'au bout de chaque feuille, dans les ramifications souterraines du vaste réseaux interconnecté de racines.

Caliobé se releva, titubant un peu sous l'effet de tant de vitalité retrouvée.

Elle balbutia quelques paroles inintelligibles à l'attention de ses camarades. Une sorte de "Merci" peut-être.

Elle se mit à marcher instinctivement au cœur de la végétation, sans qu'on ne puisse deviner la trace d'aucun chemin que suivraient ses pas. Des larmes commençaient à perler à la digue rieuse de ses yeux améthyste. Parée d'un sourire invincible et glorieux, elle tendit son esprit et ouvrit son cœur.

Re: Inframonde. chap. 02-04 . Le seuil de du printemps - Surface

Publié : 30 juin 2019, 10:52
par denkaii
Qu'est-ce...

L'odeur d'humus, un parfum de sous-bois... Bien différent de celui des jungles de mon pays natal, mais tout aussi réconfortant. Je sens l'herbe et la mousse à travers mes écailles les plus fines, et j'entend une cascade couler non loin...

Le domaine de Mort est-il si accueillant ? Je n'ai plus mal. Les vieilles douleurs qui persistaient sur mon corps, héritage de mon séjour chez les elfes noirs, ne sont plus.
Je suis serein.
et puis, comme porté par la brise, un mot me parvient... Merci.

Est ce la petite abeille ? Mes compagnons sont-ils parvenus à la sauver?

Alors que j'ouvre les yeux, un tourbillon de couleurs printanières s'y dessine. Mon corps me répond, prêt à parcourir le monde et découvrir de nouveaux paysages. Je déborde d'une énergie, d'une force que j'avais perdu il y a bien longtemps déjà.

La mort peut elle être si... vivante ?

Alors que je me redresse, mes yeux parcourent mon corps... Aucune écaille grise ou délavée, plus aucune écaille blanche. à la place, mes membres se parent fièrement d'un noir de jais poli. Mon honneur et ma fierté m'ont été rendus...
Je sens quelque chose couler sur ma joue. Serait-ce une larme ?

Oui...Elle a le droit de couler. Ce jour est spécial, après tout...

Il y a de l'agitation derrière moi. Je me retourne, et constate avec surprise la présence de Caliobé, disparaissant dans les fourrés. Yardran et Levko sont là, eux aussi. Mais alors...

Draconique- Ha ha ha hah! Je suis en vie!

Je me laisse retomber sur la mousse fraîche. Mon bonheur est irrépressible. Absolu.

Re: Inframonde. chap. 02-04 . Le seuil de du printemps - Surface

Publié : 30 juin 2019, 11:53
par Atorgael
Levko vit ses compagnons reprendre leurs esprits. Cela avait duré une éternité fugace. Il doutait de ses sens et devait avoir sombré également pour que leur environnement ait changé aussi radicalement.
C'est fou ce qu'une petite abeille était capable de faire.

Caliobé semblait avoir repris le contrôle de son corps et paraissait radieuse. Denkai aussi avait repris des couleurs et semblait se satisfaire du simple fait d'être en vie.
Levko ne pouvait que le comprendre et il se permit de sourire un instant.

Et maintenant, où aller ? Leur épreuve était-elle terminée ou d'autres tâches étaient-elles à l'ordre du jour.

Re: Inframonde. chap. 02-04 . Le seuil de du printemps - Surface

Publié : 02 juil. 2019, 00:08
par Etmer_Fachronies
La féérie du printemps… Rarement ces mots n’avaient eu tant de sens qu’en cet instant.

Assis en tailleur devant le balai mirifique de la vie effervescente, Yardan observait. Il scrutait avec respect la candeur de la nature régénérée, le corps offert à la contemplation.

Oui, le monde était beau. Où que porte l’attention, les sens étaient en joie.

C’était d’abord une caresse, un parfum qui emmenait l’âme sur les sentiers de la rêverie et de la quiétude. Une inspiration, et c’était un voyage entre les herbes et les feuilles, entre les mousses et les lichens. Là, c’était des plantes suaves qui surprenaient par leur langueur et leur sucré. Ici, c’était des notes riches et boisées d’humus et de pierre humide. Le floral explosait en bouquets exquis, et dansaient avec les images vives d’une flore radieuse.

Ensuite, c’était un son. Un son pur et cristallin, rieur et gracieux. A chaque éclat de l’eau sur la roche, à chaque souffle de la brise dans les milliers de feuilles des arbres alentours, c’était un orchestre qui résonnait dans l’espace joyeux. Des frondaisons élancées aux joncs souples, chacun avait sa voix, son histoire à conter pour qui savait tendre l’oreille. La sonate du vivant résonnait en ces lieux, et portait son ode à la fraîcheur retrouvée.

Enfin, c’était un ballet. Quand on ouvrait les yeux devant ce chatoiement de couleur et de contraste, le spectacle était grandiose, tellement riche et complexe, et si simple à la fois. Sur les feuillages abondants, les verts naissants côtoyaient les pourpres et les ors. Le brun riche d’un sol sain faisait échos aux troncs massifs des arbres, qui structuraient les voûtes sylvestres où perçaient par rais bienveillant les lueurs du soleil lointain. Et quand on levait la tête vers les cimes, c’était pour contempler un vaste ciel bleu, un azur immense vibrant de calme et de majesté.

En cet heure, en cet instant, plus rien ne comptait d’autre que le calme et la splendeur. Devant cette symphonie grandiose, l’âme elle-même se régénérait.

Un grand sourire aux lèvres, le disciple de Draaz profitait pleinement de l’instant présent. Immergé devant l’œuvre du divin, il ne pouvait qu’apprécier ce qui se déroulait devant eux.

Il ne se souvenait plus vraiment comment il en était venu à s’asseoir, et à regarder le balai des choses. Tout était allé si vite. L’instant d’avant, ils avaient harcelé la créature née des cauchemars, ils avaient peiné dans la boue et la cendre. Et puis… et puis soudain, tout s’était débloqué.

Les graines sauvées des scories avaient prospéré. De leurs lueurs bienfaitrices, un ruisseau de vie avait inondé les alentours, et nettoyé les sols de la souillure qu’ils recelaient. Avec une patience inextinguible, la nature avait repris ses droits, chassant les vagues de mort abjectes nées de la trahison et de la folie. Pierre après pierre, branche après branche, le chant des eaux avait gommé l’acide et le néant.

En ces terres, le cataclysme avait failli. Des siècles s’étaient écoulés en un battement de cœur.

Yardan, en son for intérieur, était époustouflé par tant de grâce et de majesté. Il se sentait humble devant la force du monde, mais aussi rempli d’un bonheur tel qu’il en sentait des larmes perler aux coins de ses paupières. L’épreuve divine était une bénédiction, une parabole qui lui avait révélé une nouvelle facette du Grand Tout. Tant de choses méritaient d’être repensées, tant de réflexions méritaient d’être explorées à l’aulne de ces sensations….

L’espace d’un instant fugace, le moine se souvint d’un échange qu’il avait eu avec feu leur compagnon elfe disparu, le druide Sauron qui révérait Flore et sa majesté, toujours émerveillé par les oriflammes du vivant. En cet instant de communion, le moine ne le comprenait que trop bien. La Balance prenne soin de son âme. Il espérait toutefois avoir l’occasion d’échanger avec ses frères d’Epreuves de ce qui venait de se produire. Il y avait tant à dire, tant à trouver.

Soudain, quelque chose sembla… changer. Etait-ce le bruit de l’eau, le mouvement des feuilles ? Oui, le monde était de nouveau monde. La marche forcée des époques venait de cesser.

Autour du moine, ses compagnons s’agitèrent. Une Caliobé redevenue elle-même s’étira, aussi vibrante d’énergie que jamais. Kaan’an semblait euphorique, et Levko… Levko paraissait plus serein qu’il ne l’avait jamais été.

Un franc sourire au visage, Yardan se redressa souplement, et fit un signe de tête à ses frères d’Epreuves.

Oui, Draaz leur en était témoin, l’heure était désormais à reprendre leur pèlerinage.

Re: Inframonde. chap. 02-04 . Le seuil de du printemps - Surface

Publié : 02 juil. 2019, 16:47
par denkaii
Mon instant d'euphorie passé, je remarquais le signe de tête du moine. Malgré mon allégresse, je savais qu'il faudrait bientôt reprendre notre route. Mais dans quelle direction ? Selon toute vraisemblance, nous avions fait un nouveau saut dans l'histoire d'Eana, mais la petite abeille n'était plus visible nulle part.

Il nous faudrait sans doute retourner en direction de l'Ateak. A partir de cet endroit, il serait possible de voir ce qu'il était advenu de l'arène, du petit village que nous avions aperçu et de ses habitants qui étaient parti se réfugier sous terre, dans les ténèbres. Avaient-ils survécus? Et combien de temps c'était-il écoulé ? Autant de questions dont nous pourrions certainement trouver les réponses en nous rendant là-bas.

Avant toute chose, il fallait retrouver notre chemin.

Le paysage était si différent, et la nature si pleine de vie... En constante évolution. Bien différente de ce qu'elle était avant le cataclysme. Cela était en train de faire éclore en moi une nouvelle façon d'appréhender la magie et le monde. Presque d'eux mêmes, les mots sortirent de ma gorge.

Sunvaar Raan.



Sous l'influence des énergies magiques parcourant mon corps, mes sens s'aiguisent et mon coeur s'apaise. Je dispose d'une toute nouvelle conscience de ce qui m'entoure.
Je me relève finalement, et rend son signe de tête à Yardran. Avec mes bras, je dessine un grand cercle dans les airs.

[Elfique]- Ateak.

Ceci fait, je commence à chercher notre route...
...
Avant de me rendre compte que Caliobé à disparue. Où est-elle donc passée? Quoi qu'il en soit, il vaut mieux commencer par la retrouver. même à quatre, les épreuves s'avèrent déjà dangereuses. Il n'est plus question d'abandonner quelqu'un en route.

Haussant les épaules vers mes deux compagnons, je pointe du doigt les fourrés dans lesquels j'ai vu disparaître la demi-elfe.

[Elfique]- Où est Caliobé ?

Caliobé et le seigneur sauvage

Publié : 03 juil. 2019, 20:34
par Iris
Levko, Yardan et Kaan'an se levaient, pleinement régénérés et reposés. Ils se préparaient à partir. Alors même que le thème de la suite était abordé, ils remarquèrent une porte dans la paroi de la cascade. Comment avaient-ils pu la manquer ?

En s'approchant, ils "sentaient" le sens de la question qu'elle posait :

« Quelles sont les forces de l’hiver qui nourrissent ton renouveau ? »


Pendant ce temps, Caliobé

La melessë suivait le souffle d'une brise parfumée de chèvrefeuilles. Elle sentait la présence de son seigneur qui lui semblait figurer dans chaque rayon de soleil qui tombait entre les feuillages. Il ne s'exprimait pas en mots ordinaires, il était le bruissement et le murmure, le craquement et la fureur fauve. Il était harmonie et cruauté. Il lui paraissait être un enfant portant de jeunes cornes, toujours dans le coin de son regard, l'encourageant à puiser son énergie pour naître à nouveau à elle-même, et connaître à nouveau l'éveil.

Elle était enveloppée dans un tourbillon qui n'était pas que souffle, qui était plus que caresse et inspiration. Ce vertige troublant et enivrant l'emportait tandis qu'elle sentait le frisson de l'excitation de la puissance magique revenir à elle, aussi étourdissant que la première fois, et bien plus encore.



Image

Là où autrefois elle avait été meurtrie par le Chancre, un chèvrefeuille poussait dans sa peau et s'épanouissait.

Image


Re: Inframonde. chap. 02-04 . Le seuil de du printemps - Surface

Publié : 06 juil. 2019, 01:14
par Pwyll
Sur le chemin, chaque pas l'éloignait davantage du sol, des blessures, du désespoir. Elle flottait sur la rivière des larmes acceptées du passé.

Elle était au monde et dans l'instant, délivrée de la notion de jugement et de bienséance.

Dansant et fredonnant sur des musiques composées pour elle et le renouveau du monde, elle s'était présentée.

Menton levé, paumes offertes, regard brillant, souffle court.

Elle avait su, senti, deviné que ces retrouvailles s'annonçaient, dès qu'elle avait rouvert les yeux, contre ce buisson.

Il était là. Il l'avait attendue. D'une certain façon, ils se rencontraient pour la première fois.

Depuis l'impact sublime de leur rencontre, quel que soit son moment, une onde se déployait sur les lignes du temps et de l'espace, comme à la surface d'un lac patient.

Ici, cette onde la portait, mais pour la ramener au centre, au cœur de leur union.

Futur, passé ou présent, peu importait. Les séparer était illusoire et vain. Coupez la tige, Drows, elle repoussera de plus belle.

"Je n'attendais que toi. Avant le renouveau d'Eana tu étais déjà présent, avec moi. Je serai ta compagne, ton héraut, ta fierté."

D'une caresse, elle accueillit le chèvrefeuille qui dorénavant s'épanouirait à son côté.

Elle comprenait de ce symbole le message. Initiée à nouveau, marquée d'un lien éternel, transfigurée par la jouissance de sa présence et la sagesse de son enseignement.

Ce n'étaient pas de simples lignes d'énergie qui couraient entre elle et Lui, mais des expressions de lumière translucide et musicale, surgissant des racines profondes du monde pour remonter dans ses jambes, vrombissant depuis les voûtes célestes pour étonner son esprit, bondissant des végétaux alentours pour venir parcourir sa peau réceptive.

Elle fut prise d'un ultime frisson et laissa s'échapper un soupir d'extase, assouvie d'une présence aussi spirituelle que charnelle, puisque l'esprit est le corps, et le corps est l'esprit.

"Je vais les retrouver et cheminer avec eux. Il y a beaucoup à faire. Tu te moques des tours et des oriflammes, mais je serai ton vivant étendard, mon Seigneur."

Au creux de son bras reposait un livre. Elle en parcourut les premières pages, le referma avec amour et le glissa dans la sacoche confectionnée avec les dons du Kherub.

Comme si de rien n'était, les trois compères virent revenir Caliobé. Elle se déplaçait avec grâce au sein de la végétation, sans afficher les manières supérieures d'une Reine, elle paraissait habitée d'une certaine majesté.

Elle leur sourit. Il était difficile de ne pas fixer ses yeux. Au cœur de ses prunelles s'épanouissaient des fleurs de chèvrefeuille.

"Merci de m'avoir attendue... vous aussi. Si vous êtes prêts, allons-y."



Image

Re: Inframonde. chap. 02-04 . Le seuil de du printemps - Surface

Publié : 07 juil. 2019, 01:18
par Etmer_Fachronies
Yardan regardait encore avec étonnement les fourrés touffus dans lesquels Caliobé venait de s'engouffrer, la mine réjouie et résolue. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas vu la jeune femme aussi enthousiaste, elle paraissait presque transcendée. Avait-elle été appelée par une instance divine ? Après tout, en ce lieu béni par les fées, vibrant de vie et d’enseignement, nombre de choses étaient possibles.

Le moine avisa Kaan’an, qui venait de s’adresser à eux dans l’idiome chantant des elfes. Le disciple du Commencement secoua pensivement la tête. Caliobé partie, le fil traducteur n’était plus. Cela s'annonçait compliqué.

Soudain, il nota plus loin un détail qui lui avait jusque-là échappé. Une porte. Une porte massive, même, aux arabesques de bois riches et au pourtour de granit sombre. Elle semblait taillée dans la masse, comme jaillie de l’ensemble tant elle s’intégrait bien à la fresque naturelle. Cachée derrière les chutes de la cascade, lourde et vigilante, elle attendait.

Faisant un signe à ses deux frères d’Epreuve, Yardan s’avança en direction du seuil imposant. Avec Caliobé partie la Balance savait où, cette porte leur était un phare en cet océan d’incertain.

Suivant le sentier moussu à flanc de roche, le moine brava les eaux qui tombaient des hauteurs et s’approcha des battants de bois. Prudent, il posa une main sur le premier, et… une voix sourde retenti alors dans sa tête.

[Kalaam] - Quelles sont les forces de l’hiver qui nourrissent ton renouveau ?

Yardan écarquilla les yeux, surprit. L’esprit s’était adressé à lui dans sa langue natale, le parlé des contrées des Sables, mais avec les idiomes de ceux des îles.

Le sens, cependant, n’en était que plus clair.

Ainsi donc, l’Epreuve Sacrée requérait de nouveau réflexions et déductions quant aux scènes et impressions qui leur avaient été données de voir ces dernières heures. Quoi de plus normal, après tout ? La sortie de l’enfer des flammes avait bien requis l’abandon des illusions qui les emprisonnaient de leur carcan de certitudes. Cette fois, c’était au contraire ce qui s’était construit sur ce terreau vide qui lui était demandé. Ce que son cœur et sa tête avaient construit, sur les ruines fumantes des débris de l’ancien monde. Ce qu’il emporterait avec lui, maintenant débarrassé des masques et des mensonges.

Yardan sourit. Le parcours qu’ils suivaient faisait en vérité échos au passé du monde. D’abord, le chaos, qui fit table rase du passé. Et maintenant, le renouveau, qui a éclot sur ses ruines. Des cendres des forêts primordiales aux cendres des ignorances, il n’y avait qu’un pas, que l’adepte de Draaz franchit sans hésiter.

Les forces de l’hiver… En un éclair, l’homme tatoué repensa aux dernières heures qu’ils avaient vécues. Le désespoir dans le cimetière de cendres froides, la fuite éperdue devant les anémones, leur bataille contre l’abomination, le miracle des graines d’espoir, le retour de la nature… Cela semblait peu, et pourtant la signification était immense.

Plus avant encore, il songea aux terres fertiles, aux peuples qui vivaient en quiétude sur ces étendues vierges, aux géants et aux dragons, à la mort injuste qui s’était abattue des cieux, aux cris et aux flammes, à la fin et au renouveau... Tant s’était passé. Et tant aurait pu ne plus être. Sans l’espoir et l’opiniâtreté des graines bénies, et sans une petite abeille qui avait mis en marche le destin, rien ne se serait passé.

Etait-ce une coïncidence ? Etait un rêve, une parabole ? Ou au contraire l’écho d’une vérité nécessaire ?

L’homme des îles regrettait de n’avoir aperçu qu’une partie de fils que la Grande Roue avait entremêlée. Qu’étaient devenus tous ces gens chassés par les flammes ? Ils n’avaient jamais atteint le portail. En Outremonde, peut-être ? Mais que s’était-il alors passé ? Et quelle était la cause exacte du feu du ciel, qui avait rasé le monde naissant ? Comment les Dragons avaient-ils réagit alors ? Lui et ses compagnons étaient allés vite, trop vite. Tant de pièces manquaient à l’édifice. Et qu’étaient devenus leurs autres frères de quête ? Avaient-ils trouvés leurs réponses, en d’autres endroits ?

Pourtant, en son for intérieur, Yardan savait que là n’était pas l’important. Ce qui comptait en cette heure, en dépit des absences et des errements, c’était uniquement le message que les divins avaient souhaité leur véhiculer.

Ainsi donc, Yardan se recentra. L’hiver et son cortège d’horreur avait été riche d’enseignements.

Tout d’abord, le moine retenait Résilience et Courage. Alors que tout semblait perdu, les Dragons avaient su préserver ce qui importait, tout en gardant la force d’ignorer ce qu’ils savaient ne pouvoir sauver. Voir le Grand Tout en proie des flammes avait été une horreur indicible, mais ils avaient tenu bon. Et quand l’heure vint, une fois le monde redevenu froid et hagard, ils avaient su trouver l’Etincelle, et reprendre leur Droits envers et contre tout.

Ensuite, Yardan retenait Connaissance. Pour le moine, qui ne connaissait auparavant ni les forces en présences ni les enjeux de cet affrontement, voir les prémices du monde, le cataclysme et les turpitudes des âges sombre qui suivirent avaient éveillé en lui une soif de savoir. S’il pensait jusque-là connaitre nombre de choses, le disciple de Draaz savait désormais qu’en vérité, il ne savait rien. Et si sa Foi en les paroles de Draaz et en la justesse de ses enseignements ne diminuait en rien, il souhaitait désormais les parfaire en les confrontant à la Vérité du monde. Comment jauger, comment affiner, s’il manquait tant de Savoir dans sa vision des choses ? La Connaissance seule incarnait la Clef d’un esprit capable de distance, ainsi que prônait sa doctrine martiale. Il lui faudrait apprendre, toujours et encore. Après tout, il y avait tant de merveilles à découvrir, tant de réponses à trouver.

Après, Yardan retenait Sagesse. Car en vérité, qu’étaient Résilience, Courage et Connaissance, si Sagesse ne venait guider son âme au moment de les appliquer ? Comment décider de ce qui était juste, comment distinguer les frontières de ce qui était souhaitable de ce qu’il ne l’était pas ? La démesure du cataclysme était à l’image de la pieuvre abominable qu’ils avaient mise à bas, un monstre de violence terrible et aveugle. Comment faire pour ne pas finir ainsi ? Une force n’en était vraiment une que lorsque celle-ci était canalisée par le biais d’un code, d’une pensée, d’une Vision. La Sagesse était tout cela, et bien plus à la fois. C’était l’éther qui nimbait le monde intangible de l’Agir, pour le changer en Acte.

Et enfin, un nouveau principe brillait dans l’esprit du moine, pourtant absent de l’Etoile des Dix Vertus de son ordre. Il s’agissait de Compassion et Miséricorde. En effet, Yardan en mesurait la vraie valeur pour la première fois. C’était par compassion que les Dragons avaient secouru les habitants de ce monde en péril. C’était par compassion que Flore avait tendu la main à la vie, et que l’abeille avait fait renaître les fées. L’empathie était cette main tendue, qui avait permis au monde de redevenir monde une nouvelle fois. A bien y réfléchir, le Monastère entier était dans on sens premier une ode à ce don divin, à ce concept si précieux. Pourtant, ce n’était qu’à cet instant que Yardan en mesurait vraiment l’importance. C'était un présent, un engagement envers le Grand Tout. Car si la Compassion s’enchâssait dans la Sagesse, elle en était pourtant parente distincte, et ô combien essentielle.

Résilience. Courage. Connaissance. Sagesse. Compassion.

Ces cinq forces chantant dans son âme, Yardan mit de nouveau la main sur la porte de bois.

Rendez-vous plus loin pour Yardan !

Publié : 07 juil. 2019, 07:25
par Iris
Yardan posa la main sur la porte qui s'ouvrit, et il disparut derrière, laissant ses compagnons face à nouveau à une porte close qui leur livrait à chacun le même message.