Studio Agate

Tout est calme et immaculé de ce côté. La porte donne sur un large, haut et long couloir. Les lieux bénéficient d'un éclairage tamisé clair, dans les tons presque blancs. À une cinquantaine de mètres, un muret et des sortes de dentelles géométriques de béton fin créent un mur au travers duquel il est possible de deviner les mouvements – ou en l’espèce, leur absence. Une grande double porte fermée perce ce mur ornemental. Elle est flanquée de guichets déserts.

Caliobé, Taliesin et Yardan avancent dans ce couloir à l'opposé de l'alarme en quête d'informations.

Ici, point de traces de fuites, les lieux ont été simplement abandonnés sans qu'une foule passe par ici.

A mesure que le trio avance, conscient de la probable existence des coursives et meurtrières, il en repère certaines, dissimulées dans les ombres et les illusions d'optique. Au niveau des guichets, il semble d'ailleurs bien y avoir une autre porte dérobée, similaire à celle de la salle du téléporteur.

J'avais accéléré le pas pour rejoindre Caliobé. Instinctivement, j'avançais baissé et parlais à voix basse :

« Levko n'a pas tort, se séparer n'est pas forcément la meilleure des solutions. Nous avons appris cela à nos dépens durant nos épreuves passées. Peut-être devrions-nous au moins essayer de rester à portée de vue de l'autre groupe... »

Tout en parlant j'examinais les lieux de mon œil capable de voir au delà de la réalité.

Occupée à observer les environs, Caliobé fut presque surprise.

"Quoi ? Levko ? Je... oui, bien sûr, l'idée n'est pas de se séparer longtemps, juste de voir si on trouve rapidement ici des pièces d'équipement intéressantes pour l'un ou l'autre d'entre nous. Sauf Dharka, bien sûr ! Hihihi !"

Caliobé n'avait pas que ça à faite d'être prudente et de jouer les paranoïaques dans ce corridor vidé.

Elle parla assez fort, toujours en commun des profondeurs :

"Il y a quelqu'un ? Nous sommes là pour vous aider contre les aboleths et nous cherchons de l'équipement, ne tirez pas si vous êtes cachés dans le coin, merci."

Elle se dirigea directement vers les comptoirs du fond et la fameuse séparation ajourée. Y avait-il là quoi que ce soit d'utile ?

Spoiler

Caliobé discutait avec Taliesin et Yardan tout en explorant les alentours. Elle constata avec bonheur que le guichet, outre de la papeterie contenait un arbharpon avec une munition enclenchée et un projectile supplémentaire.

Au-delà, le couloir se poursuivait droit devant et vers la gauche.

Les sens aux aguets, Yardan gardait une attention diffuse sur les alentours, pendant que Caliobé et Taliesin fouillaient à cœur joie. Quelque chose le dérangeait. L’absence d’âme qui vive. Le silence de plomb. L’alarme qui sonnait, lointaine, tel un glas dans l’immensité de pierre… Non, ça ne collait pas.

Les Duegards avaient fuis. Une course folle, effrénée et spontanée pour leur survie. Un repli… devant quoi ? Ici, ni destruction ni prédateur. Alors, quoi ? Il y avait forcément quelque chose.

Yardan fixa les ombres dansant sur les murs. Une menace latente était tapie dans le revers du Visible. La Grande Roue ne faisait jamais les choses au hasard. S’ils étaient là, c’est que Nécessité brillait au travers de Présent.

Le moine regretta un instant l’empressement de chacun. En ce monde, Nombre était souvent garant de Force. Mais hélas, c’était sans compter les egos. Oui, il leur faudrait composer avec ce Fardeau afin d’espérer triompher une fois encore.

Pour l’instant, tout était encore calme. Le Dieu Dragon les protège, il fallait espérer que cela puisse encore durer un…

[Commun des Profondeurs] : Il y a quelqu'un ? Nous sommes là pour vous aider contre les aboleths et nous cherchons de l'équipement, ne tirez pas si vous êtes cachés dans le coin, merci.

Yardan fixa la jeune magicienne, interloqué. Il connaissait le côté hardi de la melessë, mais cela dépassait ce cadre.

Il s’approcha rapidement de la jeune femme.

[Commun des Profondeurs] : Dame Caliobé, Témérité n’est jamais bonne conseillère. Prudence est mère de Survie. Découvrons d’abord connaître qui nous affrontons.

Il examina les trouvailles que les deux tenaient entre leurs mains.

[Commun des Profondeurs] : Avez-vous trouvé ce que vous souhaitiez ? Temps vient désormais d’honorer parole donnée, et de converger vers la source du bruit.

D’un geste de la tête, il désigna les coursives cachées.

[Commun des Profondeurs] : Nos frères doivent de nous déjà s’y languir.

Décidément, ils étaient bavards, surtout Yardan ! Un vrai moulin, il distribuait autant de baffes que de paroles.

"Témérité ? Voyons ma bonne âme des sables, s'il y a quelqu'un ou quelque chose dans ce corridor, nous sommes déjà repérés ! Au contraire, j'essaie d'éviter une attaque préventive de gens qui seraient apeurés et cachés. Cette arme c'est déjà quelque chose, mais poussons au moins jusqu'au bout du couloir, juste au fond, à trente pas à peine, avant de faire demi-tour. S'il y a des guichets, c'est pour gérer des échanges de marchandises. Nous serons partis en quelques instants."

Caliobé hâta le pas pour découvrir ce qui se cachait dans le prolongement de l'étrange cloison.

Je jetai un coup d'œil très rapide à la trouvaille de Caliobé avant de m'en désintéresser. Je n'étais pas rassuré. J'étais d'accord avec Yardan. D'un autre côté, je ne me sentais pas de débattre avec Caliobé pour qu'elle fasse demi-tour et je ne voulais pas reproduire l'erreur des cavernes de l'hiver en me retrouvant à nouveau isolé. Je tâchais donc de me faire le plus discret possible et suivais en silence l'intrépide sorcière.

Caliobé constatait derrière le mur qu'elle avait le choix entre deux couloirs : en face et à gauche. Chaque mesurait bien vingt à trente mètres.

Blancs, sobres, style minimaliste.

Le couloir de gauche comportait des rails discrets dans le sol. Des traces indiquaient que leur installation était peut-être récentes, ou bien qu'elle avait courte au début et qu'on avait prévu de les étendre pour rejoindre peut-être à terme la salle de téléportation. La grandeur duergare s'accommodait donc aussi d'améliorations, de constats d'oublis et de changements.

Agenouillée pour examiner les rails, elle en effleura le métal de la pulpe de son index gauche puis plongea son regard dans ce couloir de gauche.

"Ils aiment les couloirs ici. On vérifie où il mène et si ce n'est rien d'intéressant, on fera demi-tour. Ils transportent des marchandises, mais reste à voir si elles pourraient nous être utile, et rapidement."

Caliobé s’élança en trottinant le long du couloir aux rails.

Spoiler