Studio Agate

En arrivant à la porte des marchandises, Caliobé remarqua des commandes écrites en duergar sur une console minérale et métallique, avec des roues à tourner. Cet ensemble se trouvait sur le coin à gauche, près de la porte.

Ladite porte était massive et pouvait s'ouvrir en coulissant de part et d'autres dans le mur. Il y avait une roue munie de manette pratiquement au milieu de la structure avec des éléments bien fixés qui évoquaient une sorte de verrou hermétique. Ce ne devait pas être rapide à fermer, mais quelqu'un avait pris le temps de s'assurer que la porte était solidement fermée. Procédure standard en l'absence de personnel ?

"Bon."

Caliobé commença à bombarder le verrou de décharges d'énergie occulte en répétant l'incantation "Ekaari"

Deux griffes immatérielles et violettes autour desquelles tournoyait un rayon de lumière dentelé venaient chaque fois se fracasser contre le verrou.

Elle ferait le point au bout d'une trentaine de battement de cœur, le temps de placer dix décharges magiques.

Spoiler

Toujours derrière Caliobé, je laissai la melessë se défouler sur la porte. Je n'avais pas envie de me prendre une décharge par mégarde.

« J'ai l'impression que l'on peut simplement tourner le verrou pour ouvrir la porte. Tu souhaites vraiment qu'on l'ouvre ? Peut-être qu'elle a été verrouillée pour une bonne raison, non ? »

"Mmh, j'ai l'impression que le mécanisme sert à choisir des marchandise, pas à ouvrir le verrou, je peux me tromper ! Si c'est fermé, c'est parce que ce qui est là derrière est précieux, utile ou les deux."

Ses traits de force magique pure avaient-il un effet sur le verrou massif ?

Quand Caliobé évoqua un contrôle rapide du fond de la salle, Yardan abonda, bien qu’à contrecœur. Oui, certes, l’idée se tenait. Quitte à s’avancer aussi loin, autant pousser, qu’ils en aient le cœur net.

Cependant, le moine doutait. Et si leurs frères avaient besoin d’eux ? Et si le danger tant redouté survenait soudain ? Escamotés qu’ils étaient par le Passage des Secrets, les autres étaient isolés. Les échanges restaient compliqués, voire impossibles. Et ce serait pire à mesure que la séparation s'en irait croissant. L'heure était grave. Ils devaient se devaient d'observer, de se hâter et de faire profiles bas.

Puis vint l'explosion. Quand la sorcière commença à agonir la porte blindée d’énergies occultes, le disciple du Commencement écarquilla les yeux de sidération. Enfers, la jeune femme avait-elle toujours été si inconsciente ?

Yardan s’avança, et posa une main ferme sur l’épaule de la melessë.

[Commun des Profondeurs] : Dame Caliobé, cessez cette folie ! Qu’en est-il si pareil mécanisme ne sert à bloquer, mais au contraire à protéger la galerie d’un péril extérieur ? La Balance m’en soit témoin, les épreuves du Monde souterrain ne vous ont-elles pas enseigné plus de prudence ?

Encore un homme inquiet ! Qu'avaient-ils donc tous ? L'épreuve avait-elle consisté à leur retirer leur audace et ce dynamisme si bizarrement associé par la sagesse populaire au genre masculin ? Se pouvait-il qu'à l'exemple de son éveil chez les Drows, ce soient leurs précieux attributs de ces messieurs qui leurs aient été volés ? Elle ne pouvait se résoudre à le croire.

"Mais, Yardan, tu vois bien les rails et la console de contrôle, c'est un entrepôt, un coffre-fort, un peu des deux, pas une barrière contre tel ou tel monstre. Loin de moi l'idée de vous retenir ici contre votre gré, Taliesin et toi. C'est sûr que vos muscles seraient les bienvenus dès que le verrou aura cédé pour déplacer tout ça, mais bon... si vous préférez rejoindre les autres, je ne serai pas très loin derrière. Regardez, là, ça commence à céder doucement."

Je ne pouvais m'empêcher d'être d'accord avec Yardan. Néanmoins, je devais ma vie et ma liberté à la melesse et je ne me sentais pas de m'opposer à elle. Je soupirai. Jetant un coup d'œil aux meurtrières du chemin de ronde, j'espérais que nos compagnons nous suivaient de loin. Puis me tournant vers Caliobé :

« Tu sais, je peux essayer d'ouvrir la porte et d'outrepasser son mécanisme si tu me laisses faire... »

Caliobé poursuivait ses incantations et d'un mouvement de tête accompagné d'un regard évocateur souligna que le verrou ne mettrait pas bien longtemps à céder.

Spoiler

Conformément à l'intention de Caliobé, le mécanisme fut détruit et il était désormais possible de pousser les battants autrefois hermétiques sur les côtés.

Mais derrière, ce n'était pas une salle du trésor, c'était une étrange structure métallique. Une plateforme bordée de garde-fous était accrochée dans un gouffre de coupe carrée, largement plongé dans le noir, avec seulement quelques veilleuses.

Comme précédemment, il y avait une console avec des rouages, mais elle se trouvait sur la plateforme.

La porte d'acier céda dans un ultime craquement d'agonie, terrassée sous le feu magique nourri de la sorcière inconsciente.

Yardan grimaça devant le spectacle. L'acharnement de la melessë à détruire la porte en dépit de la plus élémentaire des prudences lui paraissait absurde. De leurs aventures passées, il savait la jeune femme fougeuse et bravache, parfois téméraire. Mais il avait toujours considérée celle-ci avec bienveillance, la sentant plus animée par le besoin de reconnaissance et l'envie parfois trop pressée de vouloir faire progresser les choses dans le bon sens.

Cependant, en cette heure sombre, le moine se voyait contraint de réviser son jugement : Caliobé était irraisonnée, et n'agissait que pour répondre à ses pulsions du moment.

Alors que la porte laissait apercevoir ce qu'elle gardait, le moine était tiraillé entre deux sentiments. Repartir suivre les autres, afin d'avancer de nouveau dans l'Épreuve du Jour, ou rester et tenter de protéger Caliobé et Taliesin, serait-ce de la folie même de la sorcière.

Yardan s'approcha des décombres fumantes de la porte, et observa avec horreur le vide béant qui s'y trouvait derrière.

[Commun des Profondeurs] : Draaz nous viennent en aide, c'est bien là ce que je redoutais. Voyez ! Nul trésor ici, nulle richesse ni arme ou armure. Seulement un trou, et les ténèbres du Monde Souterrain. Cette porte était un Mur, qui s'en venait faire obstacle à ce qui se trouvait là. Arrêtait-elle des créatures belliqueuses ? Ou peut-être des Miasmes des tréfonds, tels les volutes toxiques de certaines forges ? Il nous faut partir rejoindre nos frères, nous ne trouverons rien ici. Si ce n'est la certitude de ne pouvoir refermer cette porte, ni la menace qu'elle endigait.

Faisant signe aux deux de le suivre, Yardan commença à rebrousser chemin.