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Re: Inframonde chap. 3-08 - La toile du marionnetiste

Publié : 19 déc. 2020, 00:23
par Pwyll
Elle s'apprêtait à rebondir gaiement sur le fait que Dharka n'avait pas une tête à chapeau et que le soleil gâcherait le peu de style qu'elle pensait avoir, mais la mine grave puis l'annonce de Taliesin la saisirent par surprise.

Un petit quelque chose d'indéfinissable se brisa en son for intérieur. La fin d'une illusion sans doute, une de plus. Une sensation, une pulsion peut-être, qu'elle n'examina qu'à contrecœur, et uniquement pour procrastiner sur une épreuve qu'elle redoutait encore davantage, celle des adieux.

Était-elle amoureuse de Tal ? Etrange question. Délicate. Eprise sans doute de l'effet qu'elle pensait avoir sur lui, ce qui était plus égoïste et pernicieux, même si, il est vrai, elle avait plus d'une fois risqué sa vie pour la sienne.

L'homme lui manquerait, mais elle ne pouvait pas laisser voir la triste amertume qu'elle ressentait, à son corps défendant, en voyant s'envoler l'implicite flatterie qui vivait dans ce regard que le poète perdu lui portait.

Tal avait pris une décision d'homme. Dure, avec sa part de renoncement, mais surtout sa part d'ambition et d'espoir.

Elle se mordit la lèvre et approcha de lui, la mine un peu contrite.

"C'est bien Tal. C'est bien. Ton royaume est là-bas, tu fais ce que tu sais devoir faire. Evite les enterrements cette fois, même de vie de garçon. On ne sait jamais ce qui pourrait ressortir d'un tableau ou d'une table bien garnie, héhé... Je veux dire, mmh, garde la tête haute, tu peux être fier. Ne baisse pas ta garde, par contre, hein, mais, tu, enfin, tu sais, que... que tu me manqueras, quand même."

Elle déposa un baiser sur ses lèvres et ne put s'empêcher un dernier clin d'œil. Elle prononça une incantation et laissa autour du Barde une effluve durable du parfum qu'elle s'imaginait être le sien, l'odeur qui la définissait le mieux. Entre le parfum capiteux d'une fête de luxe, la floraison de printemps au cœur d'une forêt sans âge et l'insaisissable gravité, idiote et douce-amère, des amours adolescentes.

Caliobé fit un détour pour se mettre sur un genou et prendre Edra dans ses bras, ce qui la prit sans doute de court.

"Merci pour tout ! Tu étais notre guide et pas seulement de la région. Tu m'as réconciliée avec les gens de l'inframonde, finalement, ils ne sont pas tous irrécupérables !" Elle ponctua sa phrase d'une signe faussement discret mais très voyant vers Dharka.

Elle salua Matian avec réserve et gravité, n'ayant jamais vraiment pu comprendre le petit être tourmenté.

En sentant les larmes monter, elle les ravala, bravache, et s'écria :

"Bon, c'est parti, on mange bien chez Acoatl ?"