
Le feu crépitait dans l’âtre de la cheminé. Il diffusait sa chaleur et sa douce lumière dans la salle commune de l’auberge désertée. Une vieille femme se tenait assise sur une chaise, à proximité des flammes qui léchaient les bûches en train de se calciner. Elle tendait les bras vers le foyer pour oublier ne serait-ce qu’un peu, la fraîcheur de la pluie automnale. Son armure magique de plate ornée des symboles de Givreuse ne semblait pas l’avoir protégée des larmes du ciel. Le vent frappait sans relâche les minces fenêtres, comme animé par un souffle de vie. La pluie s’était changée en tempête, rythmée par le tonnerre qui grondait au-dehors.

L’aubergiste derrière son comptoir sursauta lorsque la porte s’ouvrit violemment. Un groupe de voyageur encapuchonné s’engouffra vite dans le bâtiment. Ils étaient trempés jusqu’aux os, mais ils avaient réussi à arriver indemnes en ces lieux en dépit du mauvais temps. Il fallait être fou ou inconscient du danger pour être dehors par les temps qui courent ; alors même que le soleil allait s’éteindre à l’horizon, étouffé par les montagnes.
Le groupe amoindri s’avança vers le feu salvateur pour mettre fin à ses tourments, invité à se réchauffer par les deux seules personnes de cette grande pièce.
La combattante en armure prit la parole d’une voix grave. « Je ne sais pas si vous êtes plus braves que je ne l’avais imaginé… ou si vous êtes juste plus sots. Mais finalement, vous êtes peut-être bien la lueur d’espoir que je cherchais depuis tant de temps, quand bien même je ne vous avais pas jugés à la hauteur. »
Certains des inconnus prirent des chaises dans la salle, tandis que d’autres, trop fatigués pour cet ultime effort, s’affalèrent devant la belle source de chaleur pour réchauffer leurs corps affaiblis par les intempéries. L’aubergiste parti en cuisine préparer des repas chauds pour tout le monde. La dame âgée, quant à elle, regarda les étincelles lumineuses s’échapper des braises et continua son discours :

« La Lothrienne a toujours été une contrée rude et difficile, mais c’est ce qui fit de notre peuple une nation persévérante. C’est ce même peuple qui ne connait pas la peur des monstres, et qui pourtant craint la magie comme la peste... une peste qui ronge désormais nos terres, hélas. Cela fait longtemps que la Désverie existe, et nous pensions avoir trouvé une solution durable à ce mal avec l’île des exilés. Mais depuis que l’indicible brume est apparue, le fléau du sommeil ne semble plus avoir de limite. Il sera difficile de continuer à expatrier les malades. »

Ses yeux semblèrent se perdre, comme si des souvenirs trop longtemps enfouis refaisaient surface. Elle tourna alors son visage marqué par le poids des ans et l’anxiété vers les aventuriers. À leur grande surprise, son regard bleu pâle ne cillait pas, empreint d'une détermination glacée.
« J’avais souhaité trouver des champions. De nobles âmes, qui sauraient redonner l’espoir aux gens. Les nouveaux héros de notre contrée, comme je le fus jadis, ainsi que notre seigneur Edmund Magstall… Mais aucun de ceux qui sont partis braver les dangers de la brume et de la Désverie n’est revenu à Broarstad. Moi, Nellyn des Fjordkungden, bras droit du roi Magstall, et paladine de Givreuse, vous quémande aide en leurs noms, ainsi que de tous ceux qui vivent encore en Lothrienne, car votre groupe semble résister à la terrible malédiction qui s’abat sur notre région.

Un petit village du nom de Birdÿndur n’a jamais déclaré de cas de Désverie depuis ce début d’année et apparait même être un rempart à l’impénétrable brumaille des landes. Il faut comprendre ce qu’il se trame en ces lieux et par quel miracle ces gens subsistent. Et s’il advenait que lors de votre périple vers Birdÿndur vous trouviez des malades, je vous demande simplement de les emmener vers l’île des exilés par le port le plus proche que vous trouverez…
Je dois aller me reposer. Demain sera une nouvelle épreuve, pour vous comme pour moi. Que Givreuse ait pitié de vos âmes… »
Nellyn partit alors vers un escalier à côté du comptoir, en direction des chambres. L’aubergiste revint avec de quoi boire et manger. Il s’arrêta un léger instant, troublé de ne plus voir la chevalière, avant de poursuivre son avancée vers les voyageurs.
« Vous avez l’air d’avoir eu une journée difficile… Ne vous inquiétez pas pour les questions d’argent, Dame Nellyn à déjà payé pour votre repas et vos chambres ! Vous pouvez également ôter vos capes et les laissez sécher devant le feu. Et si vous avez besoin de quoi que ce soit, je serai derrière le comptoir, là-bas. »

Il repartit, laissant les aventuriers découvrir leurs visages devant l'âtre crépitant.
Ces gens étaient maintenant face à un choix. Allaient-ils sauver ces terres du fléau, comme Nellyn les en implorait ? Ou bien failliraient-ils à leur mission ? Peut-être n’était-ce là que le début d’un nouvel échec, au profit d'un désespoir encore plus grand...
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