par Etmer_Fachronies »
16 avr. 2016, 19:18
Il était calme. Tout autour de son être-moi, l’éther allait et venait au rythme des courants qui rythmaient le monde. Les étendues aveugles s’agençaient, resplendissantes, immenses et éternelles. Comme une goutte creuse ses sillons dans le lac, son être s’éveillait. Peu à peu, il sentait les frontières de son moi s’étioler, se dissiper sous les caresses illusoires du grand Tout. Son identité, ses désirs et ses doutes, tout cela fondait comme neige au soleil. Puis la bulle de savon éclata. Seul son être restait. Il voguait, dérivait au gré des courants, sans lutter ni résister. Il était une partie du Tout. Il était le Tout. Le Tout était en lui. Il était, et respirait.
Petit à petit, son souffle s’allongea. Il sentait le moindre de ses muscles, le moindre de ses mouvements. Il était, et ressentait. Puis son être bougea, et s’en alla voguer sur le flot de ses souvenirs.
D’abord, ce fut l’odeur des vagues, le souffle des embruns sur sa peau, la fraîcheur de l’écume. Il ressenti de nouveau le grain de la pierre humide sous ses pieds nus, alors qu’il dansait devant les vagues, exécutant à la perfections les Trois Grands mouvements, frappant l’air de ses pieds et de ses poings, de ses coudes et de ses genoux. Il dansait, frappait, tourbillonnait sous le regard brulant de l’astre solaire. Puis cette image se dissipa, et son être vogua doucement à une autre.
Il sentait les odeurs de poissons grillés, entendait les cris de mouettes et les rires des marins dans les tavernes. Il arpentait les rues de la Bénédiction du Jour, le port qui s’étendait à une demi-journée du monastère du Commencement. Il courait dans les rues, esquivant les tonneaux, les filets et les tables, les caisses et les chiens, souriant et riant comme les autres autour de lui. Plus loin, l’adepte courait avec eux, leur enseignant comment rester vif et lucide dans l’effort. Puis l’image disparut à son tour, et il vogua de nouveau.
Il sentait la bise s’insinuer dans ses vêtements, la neige entraver ses pas. L’odeur d’un feu qui se perdait par-delà les pins noirs et menaçants qui bloquaient sa vue. Il ressenti l’extase, la consécration à la vue d’un pic montagneux, qui trônait seul dans le lointain, immense et majestueux. Puis il vogua encore plus loin.
Soudain, il le senti. C’était un tiraillement. Un cri. Son lien avec le tout vibrait et ployait. Puis il se senti tomber. Il revit la chute, et le Néant l’engloba. Il senti l’Ombre. Il senti la Mort. Il senti le Feu. Le serpent se dressait, furieux, et dardait son regard sur lui. Il ne pouvait plus bouger. Il allait périr. Puis il s’éleva de nouveau. Deux mains de lumières avaient saisi le Serpent furieux. Il reprit sa route, senti de nouveau l’appel de son moi. Sur les hauts tours, la grande Cloche sonnait de nouveau l’appel au Vent.
Yardan ouvrit les yeux, le cœur encore battant. Autour de lui, un espace chiche arborait des paillasses, des coffres et des tabourets. Une jeune femme reposait sur un des lits, et semblait assoupie. La flamme étouffée d’un brasero projetait des ombres dansantes sur des murs de piètre facture. L’espace d’un court instant, Yardan en fut laissé déboussolé, puis il se souvint.
Il se remit sur ses jambes, l’esprit encore bouillonnant de ces visions. Depuis combien de temps était-il perdu dans sa transe ? Le Sixième Mouvement l’avait conduit loin, bien plus loin qu’à l’accoutumée. Au lieu de l’apaisement, il avait trouvé là source d’interrogation et de doutes. Etait-ce une mise en garde de Draaz, un appel à l’action ? Ou était-ce un fragment d’Ailleurs qui était venu à lui ? Il l’ignorait. Une chose était certaine, il devrait redoubler d’effort à l’avenir, car l’Epreuve n’attendait pas.
Petit à petit, son pouls revenait à la normale. Une légère pellicule de sueur s’était déposée sur sa peau. La Vision était toujours un exercice difficile, surtout quand on ne la sollicitait pas. Il se dirigea doucement vers sa couche, ôta la partie supérieure de sa tunique et la posa sur le lit. Torse nu, il se plaça au centre de la pièce, et inspira profondément. A rythme lent, il entama l’un de ses katas favoris. Mouvements après mouvements, il sentait son esprit s’alléger à mesure que son corps s’échauffait. Posture du ciel, frappe solaire, vrille de la Roue, il enchaînait les frappes, esquives et contre-attaques. Silencieux comme un souffle, il dansait au ralenti, sous l’éclat endormi du brasero. Sur son torse, sa musculature sèche ployait au rythme de ses coups. Sur ses épaules, ses bras et le bas de son dos, les lignes sombres de ses tatouages bleu nuit tranchaient avec sa peau claire. Mais surtout, c’était l’énorme balafre rappelant vaguement la forme d'un dragon qu’il arborait au niveau de son dos qui détonnait. De ses omoplates au centre de son dos, elle s’étendait, profonde et décolorée. C’était là la trace de l’accident qui avait failli lui couter la vie. La trace de son erreur. La marque de Draaz.
Yardan acheva son kata, inspira longuement puis expira, l’esprit en paix. Veillant à ne pas réveiller sa sœur d’arme qui semblait toujours sommeiller, il retourna sur sa paillasse et s’allongea, se demandant combien de temps encore le commandant garderait les autres. Et surtout, ce qu’il devait déduire de cette vision.
Les Aigles d'Arolavie : Yardan, adepte du Dieu-Dragon - Moine de niveau
6
CA
15 - PV
45/45 (6d8) - DV
6/6 (d8+2) - Points Ki
6/6 - Héroïsme
3/3 - Gourde
10/10