Jusque-là, tout va bien, se dit la rouquine en mangeant son repas. Ce n’était ni le meilleur ni le pire qu’elle ait mangé, mais il remplissait sa fonction première : calmer son estomac. La sortie sans un mot de Tauron l’avait quelque peu surprise, mais elle ne pouvait décemment pas lui demander ce qu’il faisait, elle n’était pas son chef ici.
Pour ce que cela peut bien signifier…
Comme de bien entendu, Yardan était égal à lui-même, souriant. Milla n’avait de cesse d’être étonnée par son comportement. Et l’humeur du moine devait être contagieuse car elle se surprit à sourire, se détendant visiblement. C’est d’ailleurs à l’instant où les muscles de son dos se relâchèrent qu’elle comprit combien elle était nerveuse. Elle eut un instant de vertige en réalisant ce qu’on attendait d’elle : devenir un « chef », et donner des ordres, elle qui en avait reçu toute sa vie. Mais, encore une fois, c’est le roc qu’elle sentait en Yardan, cette présence qui semblait dire « tout va bien » qui permit à Ludmilla de ne pas sombrer dans la panique ou pire encore.
Finalement, se dit-elle, à part Jasna, j’ai choisi mes compagnons comme on jouerait aux dés. Mais il semblerait que j’ai eu de beaux lancers pour une fois.
Étouffant un léger rire de sa main, elle prit son gobelet lorsque Yardan se tourna vers elle, visiblement troublé.
- Ordo… Ludmilla, penses-tu qu’il soit bon de mander information à l’aubergiste ? Au sujet de notre direction pour… la lune de miel, ajouta-t-il en songeant à son rôle.
Qu… QU… QUELLE LUNE DE MIEL ?!
Milla en avala de travers sa gorgée d’eau, et eut du mal à reprendre son souffle, le visage brûlant. Elle était tellement perdue dans ses pensées qu’elle en avait presque oublié leur « couverture ».
MAIS QUELLE CRÉTINE JE FAIS !! Heureusement, Tauron revint peu après, lui évitant l’humiliation de répondre immédiatement. Lorsqu’il s’assit et fit pousser une fleur dans sa main, la jolie rousse ne put retenir un
« hooo ! » admiratif. Elle faillit lui demander comment il faisait lorsque le moine la devança et…
J’… J’ai pas entendu ça. Non, je ne l’ai pas entendu. Il n’a pas dit le mot « fertilité »…
C’était bien entendu peine perdue, la chaleur rougeoyante qui venait de se hisser jusqu’à ses oreilles le démontrait clairement. Elle ne savait pas si elle devait en rire ou en être dépité, et opta finalement pour une diversion : faisant signe à la personne en charge du service de salle, elle lui demanda, un rien timide :
« Excusez-moi, mes compagnons et moi ne sommes pas d'ici et cherchons un endroit tranquille où nous installer, que pouvez-vous nous dire sur la région ? »