[Arolavie] Chapitre 1 - Garder la frontière Une aventure de la garde lunaire de Fort Ditelni à la frontière nord-ouest de l'Arolavie.

[Casaïr]

"Un problème devant ? Pourquoi on avance plus ?"

Mes propres mots me revenaient en écho sans obtenir aucune réponse de la part de Jasna que je craignis avoir perdue définitivement l'espace d'un instant. Je réalisais finalement ce qui se passait : Yardan n'était plus là, sans doute trop devant nous et... perdu ? J'espérais que non, ce n'étais pas le moment de perdre un autre membre de mon groupe, surtout que...

Je secouais la tête, cherchant à positiver dans une ambiance plus lugubre qu'un caveau, mais rien n'y fit. J'étais sur le point de partir à sa recherche (idée aussi stupide que possible) quand nous entendîmes un bruit. Regardant dans cette direction, je vis le moine revenir (précédé par sa bougie chancelante) et le soulagement fut tel que je dû me retenir pour ne pas lui sauter au cou de joie. Ma grande, me dis-je, cet endroit commence à te porter sur le système ! Ce serait bien de garder un peu de dignité ! Je laissais échapper malgré tout un rire de soulagement avant de me concentrer sur le rapport de Yardan et son exploration involontaire. Le fait qu'il ait peut-être croisé la route du monstre n'était guère engageante pour la suite, mais s'il y avait une sortie par là-bas... Voyant le regard de notre ami s'attarder sur Terderic, je l'observais à mon tour, guettant une réaction de sa part.

"S'il y a bien une sortie, nous devrions tenter de la rejoindre, et voir où elle débouche. J'espère que la présence de cette chose se limitera à des traces au sol, nous ne sommes définitivement pas équipés pour l'affronter, mais... si nous la croisons..."

J'hésitais. Seul Yardan était vraiment capable de se défendre normalement, et Terderic s'enfuirait probablement à nouveau si l'on tombait sur ce "démon", ou quoi que ce soit. Il ne fallait donc compter que sur nous et nos pioches en guise d'armes de fortune en cas de mauvaise rencontre.

"... Si nous la croisons, repris-je, nous nous battrons."

D'un regard, je demandais à Yardan de reprendre la tête du groupe.

[Iris]

Spoiler

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Le sergent Voukoll avait quitté la manicle qui cheminait désormais, guidée par Croâc. Les hommes avançaient péniblement sur d'étroits sentiers boueux bordant des étangs aux eaux noires. Une légère brume flottait, éclairée par instant par la clarté dansante et lugubre de feux follets. Ces êtres malveillants frôlèrent les gardes lunaires, la peau hérissée, électrisée et glacée à la fois. Le magicien assurait qu'ils n'attaqueraient pas, et c'était souhaitable vu le nombre de ces créatures à présent.

A mesure que la manicle s'enfonçait dans les marais, le brouillard devenait de plus en plus dense. Croâc vint se poser sur la bosse de son maître tordu, déjà écrasé par le poids d'Ignir, brûlant et délirant, qui marmonnait des propos décousus en démoniaque -- Aleksandr était le seul à en être certain, même si tous les autres pouvaient l'imaginer. Il pouvait reconnaître ces intonations, même s'il ne maîtrisait pas cette langue. Désormais la marche funèbre suivait les feux follets, en dépit de toutes les légendes qui les décrivait comme avide de souffrances, prêts à se repaître de la mort lente des blessés et des égarés.

Des bruits dans l'eau semblaient indiquer que des choses plongeaient et nageaient, mais impossible de dire précisément quoi. Peut-être des échassiers venus chasser dans les roseaux ? Les lieux étaient débordant de vie, même si elle était étrange et dérangeante.

On entendit une sorte de sifflement asthmatique, comme un signal. Des silhouettes tordues, mesquines, semblaient les attendre, armées. Des gobelins ! Wulfstan les reconnut aussitôt, cette engeance maléfique ! Pourtant le magicien ne paraissait pas surpris, et les infâmes sournois ne semblaient pas non plus étonnés ni prompt à ouvrir les hostilités.

... Aleksandr savait qu'ils étaient sur le point d'arriver -- enfin !

[Iris]

Spoiler

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Le moine s'engagea, suivi des soeurs.

... Terdéric resta immobile, indécis... s'accroupit... regarda les autres qui s'avançaient...

La brise légère guidait Yardan au travers du dédale. Il aboutissait à un promontoire sur un gouffre obscur, mais en tournant la tête, il y avait à gauche, une lueur qui se devinait au-delà d'un défilé. De quoi s'agissait-il ? On n'en voyait pas suffisamment, mais cela ressemblait à une structure organisée, peut-être un bâtiment. En tous cas pour l'atteindre, il faudrait soit descendre à la verticale (avec ou sans corde), soit longer la paroi en escaladant, sur une distance difficile à mesurer. Cinquante mètres ?

[Soulnight]

Ignir courrait dans un couloir enflammé, des pas lourds le poursuivaient... A chaque fois qu'il se retournait, il y avait un monstre indicible munie de corne, quelque chose paraissait familier chez lui, mais son aura était insoutenable... Son pied se déroba et il s'ensuivit une longue chute dans un abime sans fond.

Ses yeux se rouvrirent légèrement, et il tenta de parler à ses compagnons, il voyait vague et luttait de toutes ses forces pour rester éveillé... Mais rien ne sortait de sa bouche. Quelqu'un s’approchât de lui, une forme féminine effilé. Son regard floue ne lui permettait pas de reconnaitre la personne. Il avait peut être retrouvé Jasna ou Ludmilla.

"Alors mon fils, tu ne salue pas ta mère ?"

Elle s'approchait avec une dague mortelle, la même qu'elle utilisait pour les sacrifices humain. Ignir s’enfuit sans crier gare, et la course recommençait... Encore et toujours. Quand cela allait-il finir ?

Derrière lui sa mère lui parlait, bientôt rejointe par l'être à la présence écrasante. Son héritage abyssal, ne serrerait-il jamais de le persécuter ? Un froid glacial commençait à l'envelopper, mais sa rage face à son héritage maintenait encore une once de chaleur dans son âme. Rien ne le fera abandonner la quête d'une place à lui quelque part, une place où on ne le prendrait pas pour une progéniture démoniaque. Dans le peu qu'il lui restait de vie, il priait Xonim, protectrice des Tieffeling tout en continuant sa course effréné. Il n'était sur que d'une chose, si il se laissait rattraper c'était la mort assuré... Il est hors de question d'abandonner, ses compagnons comptait sur lui, à moins qu'il le l'aient abandonner... Non, il ne pouvait se résigner à la fatalité. Ignir voulait vivre, de toutes ses forces, de toute son âme et de tout son cœur.

[Edzart]

"Z'êtes complètement fous ! R'venez, z'allez droit sur 'ui !"

Le sifflement des invectives de Terdéric se répercutèrent sur les parois des cavernes, ne laissant qu'un silence de mort lui répondre. La mort, c'est bien ce qui l'inquiétait. Il était tétanisé. Ne bougeant plus d'un poil, il fut rapidement en seule compagnie bien muette, de sa lampe à huile fatiguée... Trépignant un instant, il se mit en route pour rejoindre ses compagnons d'infortune qui l'avaient devancé de plusieurs mètres et qui déjà disparaissaient dans l'obscurité.

"A... Attendez moi... v'serez pas en mesure d'vous... d'vous en... 'tendez moi par Xonim ! Puis marmonnant dans sa barbe, Givreuse et elle s'sont mise d'accord pour nous fout' d'dans, on dirait bien."

[Nailseater]

Ah ! Il revenait le magicien ! La maitresse allait être contente !

Rikiki et Mesquin observaient le cortège, allant de leurs commentaires. Ils suivirent les nouveaux venus accompagnés d’autres de leur race.

- Celui-là à l’air mort. Et qu’est-ce qu’il est moche ! Pire que le bossu !
- Et c’est bien un nain ça ? Beurk.
- Ça veut dire qu'il y aura le rituel ? Eh, le moche ! La maîtresse va être contente de te voir ! Tu aurais pu au moins te faire beau pour
elle !
Ils laissaient les invités patauger dans le marais, sans les aider, ni les guider. Allant de leurs petits rires moqueurs quand d’aventure l’un des gardes lunaires glissait.

[Nailseater]

De l’air -même léger- et une faible lueur. Soupirant de soulagement, Jasna consentit enfin à quitter son air renfrogné. Cela ne changeait guère son visage, mais pour ses compagnons qui supportaient sa mauvaise humeur depuis la veille, cela devait être agréable.

Elle aida Terdéric à les rejoindre et en profita pour récupérer la pioche qu'il lui laissa sans trop d'opposition.

- Yardan ? Milla ? Des idées pour la suite ? J’me sens pas trop de me laisser tomber dans le vide comme ça.

Elle observa la paroi, puis chercha des yeux une autre possibilité aussi improbable soit-elle.

[Edzart]

Je m'étais tu jusque là. Je n'avais pas contrarié cet imbécile de Voukoll quand il a pris la décision aussi stupide qu'insensée de mettre à la tête de la manicle ce dérangé de nain limité en tout sauf en stupidité. Savait-il à peine parler que c'en était un miracle. Un paysans de mon domaine avait plus de culture que lui et ce, sans parler de ses terres. Le rapport ridicule qu'il avait fait de leur expédition me donnait l'impression dérangeante qu'il était récité pour se faire mousser. Enfin, c'était passé. Je n'étais pas exactement en état de grâce auprès du sergent et il fallait que je me tienne à carreau, si je voulais pouvoir faire quelques nouveaux pas sur le sentier me séparant de l'accomplissement de mes buts. Mais sérieusement. Son avis sur le choix le plus judicieux à faire ? Judicieux ? J'ai de grands doute sur sa connaissance même de la signification de ce mot.

Le poids du demi-démon pesait sur mes épaules m'écrasait. Mais c'est sans un mot et sans me plaindre, que je le portais. Les mots qu'il murmurait à mon oreille dans son délire fiévreux étaient tout ce qu'il y avait de plus intéressant. Il était compliqué pour moi de les comprendre, ne parlant réellement que le langage de leurs cousins infernaux, mais essayer de déchiffrer quelques mots, quelques idées, m'aidait à faire passer le temps intelligemment.

Intérieurement, je respirais pour me calmer. Allez, encore un peu. Il suffit de laisser ces émotions passer au dessus. J'avais enfin terminé le développement de mon sortilège de détection de la magie et, bien que les quelques ratures sur mon grimoire témoignaient des erreurs et des travaux qu'il m'avait fallut, j'étais assez fier du résultat. Si seulement je pouvais parler de ces travaux à quelqu'un et partager ce savoir. Nous retournions chez Nashmeska. Peut-être aurai-je alors le temps d'en apprendre enfin plus sur les connaissances de la Guenaude. C'est cela, après tout, avant toute chose, qui m'attirait dans ces marais. J'étais persuadé qu'elle pouvait m'apporter des réponses, du savoir, du pouvoir. Maintenant que ce limité de Voukoll n'était plus là, nous allions pouvoir discuter échanges de bons procédés. Croac vint se poser sur ma bosse et croasser. Je savais ce que ça voulait dire. Mais avant d'avertir mes compagnons, une autre pensée traversa mon esprit : maintenant que j'avais la tête plus froide, il allait falloir que je prenne garde à ce que j'allais dire à la Guenaude. J'avais, certes, un appétit dévorant de savoir, mais elle avait un appétit dévorant. Simplement. Il fallait que je fasse attention à ce que ma faim ne ne sustente pas la sienne.

Quand les gobelins que Croac avait remarqué, se montrèrent, je sentis le nain se crisper comme la corde de son arbalète. Je levais une main pour le calmer et dit d'une voix claire et assez autoritaire :

"On se calme. Ce sont des alliés. Ne commence pas à tirer sur tout ce qui te fait peur dans ces marais ou c'est nous qui finirons à fond de marre."

- Celui-là à l’air mort. Et qu’est-ce qu’il est moche ! Pire que le bossu !
- Et c’est bien un nain ça ? Beurk.
- Ça veut dire qu'il y aura le rituel ? Eh, le moche ! La maîtresse va être contente de te voir ! Tu aurais pu au moins te faire beau pour
elle !

"Il faudra mettre votre mal en patience et votre patience à mal, pour cela, cheres futures carpettes. Votre odeur est toujours aussi insoutenable. Avez-vous pensé à dresser la table pour nous ?"

[Aeghiss]

"On se calme. Ce sont des alliés. Ne commence pas à tirer sur tout ce qui te fait peur dans ces marais ou c'est nous qui finirons à fond de marre."

"Peur ? Bah ! J'ai vu pire que des gobelins dans ma vie... D'ailleurs, je te signale que tu nous fais suivre des feux follets depuis tout à l'heure, alors si tu crois que ces gob's vont changer la donne pour moi..."

Je soupirais, contenant mon dégoût et surtout mon dégoût exaspération le mage difforme qui semblait décidé à compliquer les choses plus qu'elles ne l'étaient déjà. S'il croyait m'avoir à ce petit jeu de provocation...

"C'est des serviteurs de "la vieille", je suppose ?"

[Iris]

Annoncés par les gobelins, le corbeau et les feux follets, les gardes lunaires arrivèrent enfin chez "la vieille". Il s'agissait d'un îlot au milieu d'un vaste étang d'eau peu profonde. La baraque avait la particularité d'avoir des fenêtres en toile d'araignée (au lieu de verre ou tout autre matériau). Dans le style féerique détraqué, c'était assez cossu et entretenu avec une forme d'amour biscornu.

Plusieurs gobelins gambadaient avec des outils et des armes variés. Il y avait d'ailleurs un nouveau, un peu timide pour l'instant, venu remplacer les morts : Bizut. Tous avaient des fonctions de serviteur de la "vieille", la redoutable propriétaire des lieux.

Une guenaude.

La sorcière féerique, maigre et laide, mais néanmoins coquette à sa manière, se présenta pour recevoir ses hôtes.

" Aleksandr chéri, déjà de retour ? Et en plus cette tête de bois de Voukoll n'est pas là ?" roucoula-t-elle

Regardant le spectacle, avisant des blessés, elle émit un "Oh" vaguement déçu, et désigna une sorte d'abri, d'appentis.

"Alors comme ça la garde lunaire me prend maintenant pour notre dame des causes perdus ? Un tieffelin délirant et un humain couvert de sang séché ? Vous avez eu de la chance qu'il n'y ait pas encore de mouche en cette saison, trop froid même pour elles, parce que sinon, ça et les moustiques, ça serait devenu amusant."

Regardant dédaigneusement les deux blessés : "Déshabillez moi ça, je ne peux rien faire avec toutes ces fringues et armures. Mesquin, Rikiki, installez des couchettes et des feux : il ne faut pas que ces messieurs meurent de froid chez nous. Et vous autres, construisez moi des murs. Ah oui, je m'appelle Nashmeska. "

Non, Nashmeska n'allait pas proposer de loger sous son toit les deux blessés qu'on lui imposait. Mais les gobelins étaient au moins mis à contribution pour... eh bien bricoler une nouvelle maison à partir de l'appentis... Scène qui n'était pas inintéressante en soi, si on parvenait à prendre un peu de recul et oublier que ces petits monstres n'auraient aucun état d'âme à cuisiner l'un d'eux s'il trépassait.