[Arolavie] Chapitre 1 - Garder la frontière Une aventure de la garde lunaire de Fort Ditelni à la frontière nord-ouest de l'Arolavie.

[Edzart]

Il suffit !
Je fus moi même étonné de la force avec laquelle ma voix claqua. Continuant sur le même ton, laissant ma voix grave frapper comme autant de glaives, je repris avec autant d'autorité qu'il m'était donné :
"Tu n'es que l'ombre de l'ombre que tu étais, Ignir. Tu dérives dans des rêves portés par la fièvre et rongé par le chancre.
Les seules issues à ce piège de ton imagination, sont celles que je te propose : te laisser aller. ARRÊTER DE RÉSISTER ! Obéis à ce qu'on te demande !
Oublie cette créature qui semble être ta mère et avoue tes ambitions ! Sois HONNÊTE et PARLE ! "
J'avais crié ces derniers mots en essayant d'imaginer un mur, une muraille séparant cette apparition des terreurs d'Ignir de nous.
Si nous devions l'affronter, nous n'en réchapperions peut-être pas. Si cet imbécile de demi-demon ne se mettait pas à honnêtement déballer ses sentiments, je le laisserai ici, l'abandonnant à son sort.

[Soulnight]

L'intervention du magicien le fit sursauter.
Il semblait très énervé. Il lui avait semblé pourtant être honnête la dernière fois, a moins qu'il se soit laissé emporté par ses émotions. L'intervention du magicien lui avait permis au moins de calmer sa peur. Qu'est ce qu'il avait au plus profond de lui ? Il oublia l'image de sa mère pour se tourner en lui. Sa vie n'avait été qu'un combat et qu'une fuite sans fin. Il avait connu le rejet, la haine des autres... Il ne voulais que plus jamais ça se reproduise.

"Je veux être reconnu pour ce que je suis, avoir un foyer, des amis et ne plus me retourner de peur de me faire tuer ou de voir des proches mourir parce que je suis convoité comme un outil. Je suis un personne Morbleu"

Avait-il bien répondu à la demande ? Il se sentait maintenant tout nu devant ses compagnons, il s'était dévoilé plus qu'il ne l'avait jamais fait.

[Edzart]

Observant les jeunes femmes dans l'eau, Terderic avait presque perdu toute notion d'espace et de temps autour de lui. À la question de Yardan, il ne répondit que par un grognement légèrement perdu.



Quand la voix de Jasna l'arracha de ses rêveries, il répondit entre ses dents :

"J'sais pas trop... J'pense qu'on d'vrait pas trop mal s'en sortir maint'nant. Mais... Dur.
Bordel, c'qu'elle est... Hum. Je veux dire... En s'rtant ? J'sais pas. Fuir vers l'arolavie p't'etre. J'ai pu r'en ici. A part des dettes.
J'vais..."
Il regarda pour la première fois Jasna depuis le début de sa réponse :
"J'vais p't'etre m'engager comme vous. Dans la garde. Qui sait ?"

[Iris]

Du tac au tac, la mère d'Ignir répondit : "Tu veux être reconnu pour ce que tu es ? Et qu'est-ce que tu es au juste ? Un voleur et un fuyard ? Tu veux un foyer ? ... Laisse-moi rire ! Un foyer ? Avec une femme, des enfants, un boulot régulier et honnête ? "

[Edzart]

"Tu veux voir ta mère mourir ! Dis le ! Ton ambition est d'être libre et pour ça, il te faut tuer ton passé. Ton passé est ta mère. Avoue le !"

Ma voix claqua dans l'air tandis que je me préparais, levant m'a baguette, à affronter ce qu'Ignir était incapable de surmonter.

[Etmer_Fachronies]

Yardan reposa l'outre d'eau. Il venait de terminer ses ablutions à proximité du bassin, le corps encore ruisselant d'eau claire. Autour de lui, le sol de pierre détrempé étincelait, reflétant à l'infini les éclats du silicium luminescent. Désormais, les mucus des monstres affrontés tantôt n'étaient plus qu'un souvenir sur son corps, et se noyaient à présent dans les flaques d'eau trouble.

Yardan inspira profondément, satisfait de retrouver la pureté et la propreté pour la première fois depuis bien trop longtemps. A geste mesuré, il se releva et passa ses mains sur son corps tatoué, enlevant méticuleusement le plus d'eau possible. Il fit ensuite quelques gestes dans le vide, accélérant ainsi le séchage de ses membres. Il remercia d'une pensée le Dieu Dragon, car une fois encore, les katas du Premier Mouvement prouvaient leurs utilités ô combien multiples. La caresse de l'air ambiant était fraîche, mais non froide, rendant l'exercice plaisant.

Sa dernière passe achevée, il alla récupérer ses vêtements et se rhabilla prestement. Il rempli ensuite son outre d'eau, avant de s'en retourner vers... il se souvint alors de ce qui l'attendait, et failli lâcher l'outre dans le bassin. Draaz l'assiste, l'Epreuve de cette nuit allait mettre ses sens à rude épreuve. L'idée de dormir aux côtés de son ordonnante pour cette nuit était... elle était... elle était quelque chose, mais il ne savait exactement qu'en penser. Une part de logique expliquait ce choix, le feu mourant donnant d'ors-et-déjà justice à ce choix. Mais une autre part ne l'était pas, et c'était bien celle-ci qui causait souci à l'adepte.

L'espace d'un battement de cœur, Yardan imagina les rôles inversés dans la manicle. Il s'imagina dormir aux côté de Terdéric ou de Jasna, comme cela aurait pu être et comme cela adviendrait sûrement dans un futur proche. Il réalisa alors avec stupeur que cet ordre ne l'aurait en rien soucié, loin s'en fallait. C'était donc bien la proximité de la sœur aînée qui le tracassait ce soir. Décidément, quelque chose en lui n'était guère rationnel à ce sujet, il devrait y méditer dans les jours à venir.

Bandant son courage du mieux qu'il put, il referma son outre d'eau, et se dirigea vers la couche du soir. Un peu en marge du feu, Ludmilla s'était installée sur des restes de paillasses naines qu'elle avait agencé du mieux possible pour isoler leur corps de la pierre. Leur matelas de fortune avait somme toute un aspect satisfaisant. Le moine avait déjà sommeillé sur bien pire, aussi adressa-t-il un hochement de tête reconnaissant envers la jeune fille.

Il avisa alors que celle-ci ne dormait pas. Elle semblait garder les yeux grands ouverts, fixant le plafond de pierre noyé dans les ombres. Était-ce là vigilance quant à leur présente situation ? Ou au contraire méditait-elle ainsi qu'il le lui avait appris ? Peut-être appréciait-elle simplement les éclats du silicium, afin de s'aider à trouver repos. Yardan nota de remercier les mânes des nains bâtisseurs de ce complexe, car la lueur pâle des minerais était un havre en ces lieux perdus du Monde Souterrain.

Le moine réalisa alors qu'une fois encore, il s'interrogeait beaucoup trop quant à la scène présente. Il restait debout, coi, à regarder la jeune femme, alors qu'il se devait d'aller dormir. Se reprenant, Yardan signala sa présence :

- Je suis ici et m'en vient à vous, ordonnante.

Avait-il rêvé, ou la guerrière avait-elle vraiment tressauté à ces mots ? A bien observer sa posture, l'adepte du Souffle nota un détail surprenant. La jeune fille semblait crispée, comme sous l'effet d'un stress prononcé. Ou bien... non, il se ravisa. Cette impression devait être l'écho de sa propre nervosité. Impossible que son ordonnante, qui avait suggéré cette situation, soit sous l'emprise du même doute qui lui le taraudait.

- Ainsi que requis je me présente, car mon enveloppe charnelle a de nouveau retrouvé sa pureté virginale. Pardonnez l'humidité de mon corps, j'en finis juste de mon baigné. Je suis désormais prêt à répondre à votre injonction, et vais donc m'allonger à vos côtés pour procurer chaleur à nos corps dans l'étreinte de la nuit.

S'il n'avait pas jugé cette idée complètement absurde, Yardan aurait juré que la rousse s'était raidie d'avantage à ses paroles. Mais c'était là chose improbable, aussi s'allongea-t-il calmement à ses côtés, leurs corps en contact ainsi qu'enjoint par à l'ordre donné.

La peau de la jeune fille était étonnamment chaude au toucher. Yardan espéra qu'aucune fièvre ne s'était emparée d'elle, car sans son paquetage d'herbes médicinale volé par les esclavagistes, il serait bien en peine d'élaborer le moindre emplâtre curatif.

Il s’éclaircit la voie et chuchota, brisant un instant le silence du lieu :

- Ludmilla, si tu le permets, je souhaite... eh bien, comment dire... c'est là chose un peu particulière, aussi...

Un hoquet étouffé sorti des lèvres de la jeune fille. Yardan se morigéna de la gêner dans son sommeil. A moins qu'elle ne soit malade ? Il posa la main sur la sienne, pour vérifier sa température. Ludmilla sursauta, mais ne retira pas sa main. Le moine resta un instant ainsi. Non, la température de son corps semblait normale, aussi en fut-il rassuré. Il continua son discours sans lui lâcher la main.

- ... je souhaitais m'excuser pour tantôt, quand les sbires du serpent nous ont attaqué. J'ai crié des conseils au lieu d'agir, manquant de jugement quant à notre situation alors. Nous avons joué de chance, mais il s'agit d'un manque qu'il m'incombe d'expier. Je me dois à quêter l'abonnissement, ainsi que Draaz l'exige car c'est là vecteur d'accomplissement, aussi je m'y consacrerai si d'aventure pareille esclandre nous confronte.

Yardan jeta un regard vers la tête de Lumdilla qu'il devinait dans la pénombre. Un sentiment étrange empreignait les traits de la guerrière rousse. Etait-ce de la surprise ? De la déception ? De la stupeur ? De la compréhension ? De... d'autre chose ? Il n'aurait su le dire. Il observa alors Jasna et Terdéric, assis en silence autour du feu déclinant. Il sourit calmement, et conclu ainsi :

- Merci de m'avoir écouté. Je te souhaite doux repos pour cette nuit, Ludmilla.

Tout en libérant la main de la jeune fille qui ne l'avait pas dégagée, il allongea sa tête sur la paillasse, et ferma les yeux, laissant le calme de l'obscurité bercer son corps et son âme.

[Iris]

Quoique assez inconfortable et dépourvue de vrai repas, la période de repos dans le bastion s'avéra paisible et sans mauvaise surprise.

Au vu de leurs mines embrouillées, plusieurs avaient dû avoir des rêves agités.

Il allait être temps de prendre une décision pour la suite : que faire à présent ? comment s'organiser en cas d'apparition d'un nouveau monstre ?

[Casaïr]

La nuit porte conseil, parait-il. Je n'ai pas vraiment pu vérifier ce dicton, ayant passé une bonne partie de ma période de repos à me tourner en tout sens, cherchant à me vider la tête de toutes ces choses qui avaient décidé de s'y installer, notamment quand Yardan était venu s'installer à mes côtés. Bon sang, comment pouvait-on dire ces choses sans aucune arrière pensée ?! Était-il réel ? Toujours est-il que chacune de ses phrases avaient rempli mon cœur d'une myriade de sentiments diffus difficilement contrôlable, avant qu'il ne les fasse retomber comme un soufflé. Et quand il s'était finalement allongé, je me sentais frustrée comme jamais. Par les dieux, je crois que je l'aurais giflé pour le réveiller ! Pour m'allonger tout aussi vite. Oui, c'aurait été mesquin, mais cela m'aurait ôté un poids sur les épaules je pense.

Toujours est-il que je n'étais pas plus avancée au petit matin, sur quelque sujet que ce soit. C'est donc le regard noir que je contemplais mes compagnons, réfléchissant à ce qu'il fallait faire maintenant.

"Nous n'avons pas beaucoup d'options, commençais-je après m'être assurée de leur attention. Nous manquons de tout sauf d'eau. Notre seul avantage est d'avoir une base de repli mais cela ne nous sera pas d'une grande utilité si nous y mourons de faim. Malheureusement, sans idée plus précise de l'utilité des différents bâtiments autre que les bastions, nous allons devoir chercher à l'aveugle, à moins que l'un de vous ne parle le nain, ce qui pourrait nous aider si d'aventure nous trouvions des inscriptions quelconques sur les murs."

J'évitais de regarder quiconque tant que je réfléchissais, je savais que cela pourrait me perturber plus que de raison, surtout si je m'attardais sur le moine. Ho bon sang...

"Les bouts d'armure que nous avons trouvé sont à peine utilisables, mais je ne suis pas certaine que nous soyons en position de faire les difficiles. D'ailleurs tout le monde en met une, Terdéric compris. La priorité maintenant, tant que le solium est actif, est de mettre la main sur une armurerie qui aurait pu être épargnée par les créatures errant ici, et, pourquoi pas, l'équivalent d'une plantation souterraine. Je ne suis pas trop amatrice de champignons, mais je ferai une exception si l'on en trouve. Je n'ose imaginer la possibilité de trouver un plan de la cité mais si une telle chose existe, il nous faut à tout prix mettre la main dessus."

Je me grattais la tête, cherchant autre chose à ajouter sans y parvenir. Finalement je regardais mes compagnons tour à tour avec cette unique question : "vous avez quelque chose à ajouter ? Parce que c'est le moment."

[Atorgael]

Aleks montrait des dispositions inattendues à prendre les choses en main, son petit séjour dans les marais semblait lui avoir été très profitable de ce point de vue.
Levko s'avança aux côtés d'Ignir rapière en main prêt à agir pour son camarade ... Si celui-ci se décidait à agir.
S'il fallait, comme Aleks venait de le hurler, tuer pour cela l'image de sa mère, Levko le soutiendrait sans faillir.
Surtout si ça pouvait les aider à se tirer de cet endroit.
" Ignir mon pote, je pense que c'est à toi de prendre une décision là, la bonne de préférence. "

[Etmer_Fachronies]

- Vous avez quelque chose à ajouter ? Parce que c'est le moment.

Yardan hocha la tête à ces mots.

- En effet, Ludmilla, j'ai là chose à ajouter. Au nombre de trois, pour être garant quant à l'exhaustivité de mon parler.

Le moine sourit paisiblement. Malgré le manque de nourriture qui commençait à poindre, la nuit avait été une bénédiction. La douleur de son corps s'était tarie, chassée par une vigueur nouvelle. Les ématomes avaient pris une teinte claire, et ses gestes étaient fluides, comme il l'avait noté en exécutant les enchaînements du Premier Mouvement au réveil. Passer la nuit au côté de la guerrière avait eu un effet indiscutablement bénéfique, il lui en était d'autant plus gré.

- Sachez d'abord que je maîtrise en effet les locutions naines, tant au phrasé oral qu'écrit. Lors de mes années de formation au Commencement, nombre de représentants du peuple des Roches étaient présents, et certains comptaient parmi les mentors les plus influents. Certains passages des Dires de l'Envol étaient rédigés en langage nain, aussi sa maîtrise comptait-elle comme cruciale aux yeux du Dieu Dragon. Il conséquence, je saurai ici nous guider, si d'aventure écrits s'en viennent à mes yeux.

Il laissa passer un temps, laissant ses compagnons s'imprégner de ses dires.

- Ensuite, et même s'il m'en coûte, il me semble nécessaire de requérir une inflexion quant à l'ordre donné. En effet, si chacun doit porter armure, je souhaite arguer que j'arbore déjà la mienne, Draaz m'ayant enseigné à faire de mon corps la barrière qui veille à sanctuariser mon intégrité. Y adjoindre une nouvelle pièce serait faire offense à mes enseignements, aussi je demande humblement à m'exclure de cette injonction, car si verbe est ordre, celui-ci ne peut supplanter commandement du Dieu Dragon.

Il s'excusa d'un hochement de tête, et enchaîna d'un sourire sur sa dernière remarque :

- Et quant au reste, sache Ludmilla que j'approuve et appuie tes paroles, et te remercie pour la clairvoyance qui anime la vision qui est tienne en ces instants sombres. Recherche de pitance est reine de nos besoins, et celle-ci passe par l'exploration de ces lieux. Tant que Jasna saura animer objet d'une lueur sacrée, le solium nous protégera des ténèbres. Prudence sera certes de mise, car les sbires du Serpent sont légion, et nous sommes en leur antre. Mais cela se fera. Une fois encore, reconnaissance envers toi nous est de mise. Comme ton choix d'hier de dormir côte à côte, ta pensée en ce jour est pérenne, et je t'en sais gré.