[Arolavie] Chapitre 1 - Garder la frontière Une aventure de la garde lunaire de Fort Ditelni à la frontière nord-ouest de l'Arolavie.

[Etmer_Fachronies]

- Ooooooh, ça y est ! Ca y est !

D’un œil émerveillé, Bizut regardait, la bouche ouverte et la langue pendante. Devant lui, le grand avec des cornes émergeait de sa torpeur.

- Il se réveille ! Ils sont tous réveillés, lança-t-il joyeusement à la cantonade, sans imaginer un seul instant que cette cantonade s’en fichait comme d’une guigne.

De l’extérieur, le gobelin Bizut observait la maisonnée. Dans la cahute décrépite d’une genaude retorse, des soldats encore verts émergeait tour à tour d’un rêve bien trop profond. Bien entendu, l’expérience n’était guère plaisante, et certains s’en sortaient mieux que d’autres. Pourtant, l’esprit leur revint vite, et les questions encore plus. En moins de temps qu’il n’en fallait pour bâtir un camp bancal dans un marais puant, les conversations s’en allèrent bon train. Bien entendu, on ne parlait pas de la pluie et du beau temps. Le cadre méphitique des marais n’était guère un écrin idéal pour s’extasier devant la beauté de la météo, aussi les gardes évoquèrent-ils des choses plus triviales, comme la faim et la suite de leur aventure.

Mais cela, Bizut n’en comprit pas un traitre mot. D’abord, parce qu’il ne comprenait pas grand-chose de manière générale. Ensuite, parce qu’il avait déjà quelque chose en tête, et c’était déjà bien trop. Bizut observait les peaux pâles, et… oui, c’était le moment. Il sourit de toutes ses dents. Devant lui, le tout-grand qui chantait s’était avancé et échangeait avec le tout-cornu et le petit tout-barbu tout-dur. Le tout-cabossé avait reculé, et discutait avec Faux-Jeton.

Bizut avait décidé d’agir, il agit donc. Il pénétra à son tour devant le tout-grand et le tout-roux, qui parlaient encore d’aller chasser. Il les apostropha gaiement :

- Alors, alors, alors ? Bonjour, oui, bonjour, sourit-il de plus belle ! Alors ?

Il les regarda tour à tour, s’étonnant du regard circonspect qu’on lui retournait. Qu’est-ce qui pouvait bien les surprendre ? Ah, mais oui, c’était ça !

- Nashmeska a dit, vous aurez la tête à l’envers en vous réveillant ! Alors Bizut a pensé, il faut vous accueillir ainsi, oui oui oui ! La tête à l’envers ! Alors, c’est le poirier ! Vous vous sentez accueillis, oui ?

Bizut fixait les peaux roses, tout fier de lui. Décidément, il avait eu une bonne idée d’entrer ainsi dans la baraque, les pieds en l’air et en marchant sur les mains. Ils étaient contents, il le voyait ! C’était forcément le cas !

Bizut se dit cependant qu’il commençait à voir trouble, un peu. En effet, le sang qui montait à sa petite tête de gobelin commençait à lui donner des vertiges. Mais pour Bizut, c’était normal, car il fallait payer de sa personne, Nashmeska le disait toujours ! Mais alors, pourquoi est-ce qu’ils le regardaient bizarre, eux tous ?

- Ah, mais Bizut n’a pas salué, c’est ça ! Attendez, attendez !

Bizut leva une main en leur direction. Pas celle qui tenait son gros gourdin et qui lui faisait mal, parce que le sol était dur sous ses phalanges, non non non ! L’autre, celle qui était libre ! L’espace d’un instant, la main tendue en l’air dans un salut grotesque, le gobelin sourit de toutes ses dents, très fier de lui. Puis la gravité se rappela à son bon souvenir, et Bizut s’effondra d’un bloc sur le sol sale.

- Aïaaaaah, fit-il se relevant d’un bond.

Il réalisa alors qu’absolument tous les regards de la pièce étaient sur lui. Décidément, c’était une entrée très réussie !

- Alors, alors, alors, reprit-il sans se départir de son entrain excessif, l’accueil est bon, oui ? Et si vous voulez, j’ai encore plein de branche, pleins ! J’en ai ramené, oh oui, ramené beaucoup beaucoup ! Si vous voulez encore pour des cabanes, demandez à Bizut !

Puis il s’avança vers le tout grand qui parlait peu, avec sa grande épée au pommeau qui brillait.

- Dites, dites, Bizut se disait, vous faits des jolies choses avec le métal tout dur, oui ? On astique et hop, ça fait des étoiles ?

Il montra son gros gourdin, le tout beau et tout solide qu’il avait ramassé dans la forêt la veille, et regarda le tout-grand plein d'espoir.

- Vous pourrez faire des jolies étoiles avec le casse-tête de Bizut, oui ?

[Atorgael]

Spoiler

Scène de Levko : 2ème !

Le drôle de gobelin qui s'agitait devant eux semblait vouloir leur dire quelque chose mais Levko n'aspirait qu'à un peu de calme. Il essaya d'en finir rapidement.

" Je pense pas qu'on ait besoin de cabane, on devrait pas tarder à s'en aller. Merci de ton aide en tout cas. "

Parler à un gobelin lui faisait bizarre, comme s'il s'adressait à un cheval. Même s'il aurait plus facilement entamé une conversation avec sa monture en fait.

[Etmer_Fachronies]

- Je pense pas qu'on ait besoin de cabane, annonça sèchement Levko. On devrait pas tarder à s'en aller. Merci de ton aide en tout cas.

Bizut regarda tristement l'épée qui brille, très tristement. Décidément, le tout-grand ne voulait pas faire briller son beau gourdin. Pourtant, l’accueil avait été de qualité, tête renversée et jambes en l'air, oui oui oui !

Il fit la moue quelques secondes, déçu. Il tourna alors la tête, tout penaud, et vit une deuxième source d'intérêt, qui oblitéra alors ses anciennes pensées déjà tombées dans le néant absolu de sa mémoire vide.

Il s'avança vers le tout-roux avec les cornes, les yeux brillants, et glapit d'un ton réjouit :

- Eh, eh, si vous voulez quelque chose ensuite, il faut demander à Bizut, oui ! Et Bizut voudrait bien quelque chose, aussi ! Comment vous avez eu les jolies cornes, oui ? Bizut a déjà vu des grosses bêtes avec ça, oui oui oui ! Des monstres à quatre pattes, avec des gros ongles cassés et un gros nez plein de mouche ! Et qui mangent de l'herbe toute la journée. Bizut a essayé, mais c'était pas bon. Vous voulez que je vous ramène de l'herbe, oui ? Et si j'en mange beaucoup aussi, j'aurai des jolies cornes tout pareil ?

Dans la masure de la genaude, le gobelin niais regardait le tiefflin, les yeux emplis d'un espoir sans nom. Décidément, ses questions sur le monde étaient sans limite, mais pas forcément des plus pertinentes.

[Etmer_Fachronies]

- Heum, mes excuses, Yardan, s'exclama Gaspardin. Et puis je ne suis nul sire vous savez, juste un modeste et infatigable pourchasseur du Mal. Pour votre Dieu, je pense que je vois mieux, en effet. Mais alors, il n'y a qu'une seule roue ? Comment Draaz assure-t-il l'équilibre du coup ? C'est intéressant tout ça. Peut-être que moi aussi je pourrais suivre votre Dragon, j'aimerais mieux comprendre à l'occasion.

Avec un aplomb digne des Acolytes des Salles du Livre, Gaspardin avait énoncé ses questions les yeux dans le vague, son regard ceint d'un voile quasi-mystique. Agréablement surpris, Yardan eut un franc sourire devant les question du paladin. C'était là chose rare d'entendre formulée des questions à l'égard de son Dieu. Certes, ces questions étaient frappées d'incompréhension, mais c'était une incompréhension légitime, et qui faisait écho à une curiosité sincère. Ces questions étaient rafraichissantes, et insufflèrent à l'esprit du moine un allant aussi important que l'apport de nourriture l'avait fait pour son corps.

L'adepte du Souffle se perdit un instant dans es souvenirs. Les derniers à avoir échangé de ce sujet avec lui étaient Ludmilla et... Tauron, leur druide porté disparu. A cette pensée, le sourire du moine perdu un peu de son éclat. Où diable pouvait bien se trouver l'elfe en cette heure sombre ? Il n'en avait aucune idée. Se recentrant sur l'instant présent, il attendit que le halfelin finisse d'échanger avec ses compagnons pour reprendre sa dernière question sur l’innocence de la manicle au vol :

- Oui, l'emprisonnement était notre fardeau. Sachez, pourfendeur Gaspardin, que nous avons fauté par confiance trop vive. Autant que nous sommes, nous sommes membres de la Garde Lunaire d'Arolavie. Il y a quelques jours, un village frontalier fut attaqué et dévasté. C'était l'oeuvre de pilleurs , qui se drapèrent de l'infâmie des marchands d'âmes. Nous cherchâmes alors leur trace, mais duperie nous consumma quand les chefs de la bourgade où nous mandions réponse s'avérèrent de mèche avec les esclavagistes. Les fers furent notre fardeau, et la mine notre purgatoire. Mais Draaz porte ceux qui jurent par audace et persévérance. Nous avons refusé ce destin, et sût triompher de l'Epreuve. Nos pas nous ont mené en ce lieux souillés par le Serpent, et, sur injonction du Forgeron à l’Éveillée Jasna, nous nous apprêtions à rendre pureté à ces pierres oubliées

Yardan souri, conscient que le résumé de leur histoire était quelques peu complexe. Il préféra enchainer sur quelque chose de bien plus simple à ses yeux, et qui nécessitait une réponse rapide pour le bien de l'esprit du semi-homme.

- Et quant à votre question sur l’Équilibre et la Grande Roue... vous mettez le doigt sur une notion ô combien clef, pourfendeur Gaspardin. Sachez que l’Équilibre du Tout repose non pas sur la Grande Roue, mais bien sur la Balance, qui veille seule à ce que chaque chose aie place qui lui soit due. La Grande Roue tourne, et de ses rayons naissent les destinées de ceux qui vont dans ses pas. Les sillons des Pensants sont régi par ses Cycles, et Draaz veille à l'harmonie des choses, car c'est Lui qui préside à ces concepts.

Le moine inclina porta une main à son front, se signant tout en expliquant les concepts fondamentaux du Commencement. Il poursuivit d'une voix enjouée :

- Le Dieu Dragon montre la Voie, et ses fidèles l'arpentent avec ferveur, car ils savent ceci condition de leur Accomplissement. Draaz est Force, Foi et Volonté. Les Piliers de la Foi jalonnent le parcours du croyant, et les Six Mouvements suivent le cycle du Soleil. Si Discernement survient, alors suivent Éveil et Envol. Le Souffle du Dieu Dragon guide, et porte les âmes sur la Tapisserie du Tout. C'est là chose sacrée, et sachez que je vous suis gré d'avoir posé cette question, Gaspardin.

Devant eux, Jasna leur fit signe qu'il était l'heure de se remettre en route. Yardan hocha la tête, et se remit debout d'une poussée de ses jambes. Alors que tous se mettaient en mouvement, il ajouta d'un sourire :

- Une fois hors des Ténèbres du Monde Souterrain, sachez aussi que je me ferai joie de reprendre cette discussion, tout comme honneur sera mien de connaître vos histoires et les moteurs de vos actes.

La colonne se mit ainsi en marche vers le temple de Forgeron, quittant l'entrée du bastion qui les avait accueilli le temps d'une nuit de l' Inframonde.

Au cœur de la cité, ils arrivèrent devant une construction titanesque. Devant eux, le Grand Temple de Forgeron s'avançait de toute sa majesté, ses contours auréolés par la douce lueur du Solium cristallin. Deux statues colossales bordaient son escalier massif, qui montaient vers un parvis culminé par les façades ouvragées de l’édifice. Tout ici respirait une finesse rare, qui faisait honneur aux maîtres artisans qui avaient procédés à l'édification. Les pierres parfaitement ajustées donnaient une sensation d'immanence à l'ensemble, qui semblait jailli d'un bloc des entrailles de la terre.

Sur les façades, les sculptures des parois étaient d'une finesse rare, et semblaient prête à s'animer d'une vie propre. Au centre, les deux portes de métal sombre strié de runes naines étaient entrouverte, et menaient droit vers les entrailles du temple. Seules les traces de la corruption du chancre et les débris de statues brisées venait gâcher le tableau, un tableau pourtant écrasant de prestance et de maîtrise pour les nouveaux venus.

Alors que le groupe des cinq aventuriers observait la scène, Ludmilla prit la parole :

- Et maintenant, Jasna ? On fait quoi ? On envoie Gaspardin en haut de l'escalier s'assurer de ce qui hante les lieux ?

Yardan hocha la tête, mais leva une main en l'air tout en interpellant ses compagnons :

- Avant toute chose, ordonnante, pardonnez mon interruption, mais il me faut vous informer de mes savoirs quant à l'édifice ici présent. Au Commencement, nombre d'ouvrages traient des Divins dans les Salles du Livre, car Connaissance est Pilier des Enseignements de Draaz. Ygram, l'un de mes mentors, est un fier membre du peuple des roches, et révérait Forgeron dans ses jeunes jours, bien avant d'être touché par la grâce du Dieu Dragon. Aussi ais-je connaissance de moult aspects quant à ces temples. Jasna pourra sans conteste confirmer mes paroles, une fois celles-ci énoncées.

Le moine regarda les membres de son groupe, veillant à ce que tous soient attentifs à son message. Content de leur attention, il entama ses explications :

- Enterez bien mes paroles, car de nos actes réfléchis dépendra notre réussite de l’épreuve de ce Jour. Deux hémisphères distinctes composent ce lieu Saint pour les suivant de Forgeron : la partie ouverte aux fidèles nous accueille derrière les Grandes Portes. C'est ce qu'il nous sera donné de voir de prime abord. Puis, séparé par une grille forgée d'or et de cristaux, s'agence la partie réservée aux Eveillés de Forgeron. S'il nous faut purger ce Temple des miasmes du Serpent, alors y trouver accès s'avèrera indispensable.

Yardan fit un signe de tête à la plus jeune sœur, qui ne le contredit pas. Il continua alors l'exposé de ses connaissances religieuses :

- Deux voies peuvent nous mener à ce sanctuaire, où clef du Mal réside. Par les cryptes du Temple, aux sombres tunnels, ou par front, en foulant l'allée de la Grande Salle. La grille d'or comporte toujours une porte, si d'aventure le front est notre choix. Les cryptes recueillent toujours Morts Vertueux et Charbon sacré, celui-ci s'en allant pour le Cœur de la Forge. Il y aura donc passage, certes plus tortueux, mais qui peut s'avérer plus discret si Silence nous est imposé.

Yardan désigna ensuite les colonnes massives, qu'on pouvait apercevoir au travers des portes en tendant l’œil.

- Ces piliers soutiennent l'Estrade du Temple, dont le seul accès est un escalier en colimaçon, qui ceint généralement l'une des quatre colonnes. Vigilence nous sera reine, car du haut de cette estrade, nous seront proies des Séides de l'Immonde.

Le moine eut ensuite un geste triste vers les sculptures en morceaux jonchant les rues et les espaces dégagés.

- Le Mal rôde en ces lieux, c'est là chose encore plus sûre à présent. Voyez comment son tombés les Vigies des Forges, ces gardiens silencieux animés par la technique du peuple des Roches. Ceux qui veillaient ici ont péri, et les automates gardiens ont furent brisés. Il ne restait rien pour barrer la route au Serpent. Bataille a eut lieu ici, et elle fut sûrement colossale. Je n'ose imaginer ce vers quoi nos pas se dirigent, mais bandons notre volonté, car il nous faut redouter le pire.

L'adepte du Souffle interrogea alors d'un regard ses compagnons, qui allaient s'avancer de concert dans l'Antre de la Bête Immonde.

- Pensez-vous qu'il soit plus sage de passer par les Cryptes, ou de tenter de forcer passage vers le Cœur ?

[Casaïr]

Yardan était déjà particulièrement volubile en temps normal, voilà qu'il trouvait le moyen d'en faire d'avantage ! Beaucoup d'informations compactées dans ce verbiage qui lui était propre et qui rendait le tout presque indigeste. Mince, j'en avais presque le tournis ! En simplifiant à l'extrême, j'arrivais à trier le nécessaire de ce flot ininterrompu de paroles : soit on passait par la crypte pour se la jouer discrète, soit on tentait le passage en force par le passage principal.

"Je pense... pour ma part... qu'il faudrait qu'on essaie d'éviter au maximum d'attirer l'attention en passant par en dessous. Détruire la source du mal est ce qui importe en priorité, une fois cela fait, on pourra nettoyer le reste du temple, s'il reste des créatures à l'intérieur."

Je marchais sur des œufs avec Jasna, je m'en rendais compte, et je n'étais pas certaine qu'elle apprécie cette façon de faire, comme si je cherchais à la ménager encore alors que ce n'était pas le cas. Toutefois, mon avis ne changerait pas : cet endroit était dangereux, et je restais certaine que nous nous y étions rendus trop tôt : nous n'avions pas réellement de plan, hormis "aller voir ce qu'il y a dedans et tuer ce qui s'y trouverait". De mon point de vue de grande débutante en stratégie, cela faisait partie des choses à ne pas faire, mais je prenais sur moi pour faire confiance à ma petite sœur. Quelque part, je pense qu'elle avait besoin de mon soutien, et depuis qu'elle avait obtenu ces étranges pouvoirs, je m'étais détournée d'elle. Après tout cela, il nous faudra parler, pour que je lui présente mes excuses.

Tandis que j'attendais l'avis des autres et la décision finale de Jasna, je touchais le bras de Yardan afin d'attirer son attention.

"Heureusement que tu es là, le remerciais-je, tes connaissances sont un atout pour nous. Et..."

Je le regardais, un instant troublée, refoulant des sentiments équivoques pouvant nuire à notre mission. À lui aussi, il faudra que je parle. En serais-je capable, c'était une question à laquelle j'étais bien incapable de répondre maintenant. Je lui souris finalement, laissant la chaleur de mon cœur s'exprimer dedans plutôt que sur mes joues avant de reprendre.

"... Pour le moment, c'est Jasna qui commande. Elle est plus apte que moi à diriger cette mission, je ne suis donc plus "ton ordonnante". Pour l'instant en tout cas", terminais-je sur un clin d'œil.

... Avant de me rendre compte que la fin de ma phrase avait quand même un sacré double sens. Concentre-toi, ma fille ! lâcha une petite voix dans ma tête. Tu es encore en train de dire n'importe quoi !

Étonnamment et pour la première fois depuis une éternité, je me fichais éperdument de ce qu'elle disait.

[Casaïr]

Faux-Jeton était ressorti pour rejoindre Gringalet, toujours au poste depuis l'autre côté de la fenêtre pour observer le groupe en train de manger.

"Eh, t'as vu, Gring', y mangent ! Sont plus coura.... affamés qu'j'aurai cru !"
"C'est l'talent, ça, prends-en d'la graine", lâcha le chef autoproclamé, pas peu fier de ce petit exploit. "En plus, c'est fait qu'avec des bonnes choses, donc ça peut être que bon."

Gringaler omit juste de parler de ce qu'il y avait dedans, comme toujours : "secret professionnel !" qu'il disait. Faux-Jeton eut bien envie de répliquer, lui qui avait tendance à ne pas se rendre compte de la dangerosité des propos qu'il tenait face à son camarade, mais il fut sauvé par Bizut entrant dans la cabane en faisant le poirier pour une obscure raison connue de lui seul. Les deux compères étaient cependant d'accord sur un point : même si le gobelin était clairement idiot, ce qu'il faisait les faisait toujours bien rire. D'ailleurs, ça ne manqua pas : au moment de saluer, le petit nouveau se cassa lamentablement la figure, déclenchant l'hilarité des deux espions. Cependant, son insistance à vouloir se faire remarquer par les z'intrus risquait de les mettre de travers, alors Gringalet décida d'aller le chercher à contrecœur.

".... Bizut a déjà vu des grosses bêtes avec ça, oui oui oui ! Des monstres à quatre pattes, avec des gros ongles cassés et un gros nez plein de mouche ! Et qui mangent de l'herbe toute la journée. Bizut a essayé, mais c'était pas bon. Vous voulez que je vous ramène de l'herbe, oui ? Et si j'en mange beaucoup aussi, j'aurai des jolies cornes tout pareil ?

Mais qu'est-ce qu'il racontait encore ?! Il voulait vraiment se faire manger ici ? Tiens, est-ce que les non gobelins mangeaient du gobelin ? Après tout, lui avait déjà goûté du nain en une occasion -pas une très bonne viande : trop dure à mâcher, une vraie chienlit à attendrir. Il ne pouvait malheureusement pas laisser faire la nature, cela risquait de faire désordre quand il devrait expliquer ce qui s'est passé à Nashmeska... Et surtout, surtout ! il risquait de finir mangé à son tour !

Devenant vert de peur -d'accord, encore plus vert-, il se jeta sur le gourdin de Bizut pour le lui arracher des mains et en frappa si fort le crâne du demeuré qu'on entendit résonner le gong jusqu'au bout de la clairière. Mais pas de gros "CRAC !", fort heureusement. Il se saisit de Bizut complètement étalé par terre par la jambe, se tourna vers les gardes lunaires, leur sourit gentiment (ce qui partout ailleurs sonnerait comme une déclaration de guerre), et sortit nonchalamment en soufflant et postillonnant tout ce qu'il pouvait, ravi d'avoir sauvé la situation.

[Soulnight]

".... Bizut a déjà vu des grosses bêtes avec ça, oui oui oui ! Des monstres à quatre pattes, avec des gros ongles cassés et un gros nez plein de mouche ! Et qui mangent de l'herbe toute la journée. Bizut a essayé, mais c'était pas bon. Vous voulez que je vous ramène de l'herbe, oui ? Et si j'en mange beaucoup aussi, j'aurai des jolies cornes tout pareil ?

Devant cette incongru question, le tieffelin était surpris. Avec le trop plein d'émotion, il se mit à rire de bon cœur en regardant le gobelin penaud. Pour torturer le gobelin, il eu l'idée de lui poser une question en retour.

"Et toi Bizut, pourquoi tu es vert ? Je te répondrais quand tu sera la réponse à cette question"

[Aeghiss]

L'infâme brouet lui donnait des haut-le-cœur, mais Wulfstan avait trop faim pour faire la fine bouche... Et de toute manière, ce n'était pas la première fois qu'il mangeait une cuisine aussi misérable.

Il assista donc à l'entrée navrante de Bizut, et à la scène qui s'ensuivit.
Lorsque Gringalet assomma Bizut et l'évacua, le nain, qui avait fini son simulacre de repas, claqua ses mains et se leva.

"Bon, on y va ?"

[Nailseater]

Ils arrivèrent en vu du cœur de la cité. Le souffle coupé par la magnificence des lieux, elle resta simplement là, stoppée, admirant de tout son saoul cette oeuvre d'art. Des statues gigantesque à la parfaite harmonie des lieux, tout ici respirer la grandeur et la foi que les artisans avaient mit dans leur création.

Ludmilla interrompit ce moment de beauté avec autant de douceur que si elle avait été Voukoll. Levant les yeux au ciel, elle écouta la réponse de Yardan. Celui-ci disait vrai et s'y connaissait manifestement en architecture naine ... du moins de ce qu’elle avait compris.

"Je pense... pour ma part... qu'il faudrait qu'on essaie d'éviter au maximum d'attirer l'attention en passant par en dessous. Détruire la source du mal est ce qui importe en priorité, une fois cela fait, on pourra nettoyer le reste du temple, s'il reste des créatures à l'intérieur.
...
Pour le moment, c'est Jasna qui commande. Elle est plus apte que moi à diriger cette mission, je ne suis donc plus "ton ordonnante". Pour l'instant en tout cas"

Jasna commençait à en avoir marre du scepticisme et du cynisme de sa sœur. Elle ne dirait rien. Bien sur. Mais comment pouvait-elle être aussi désagréable. Serrant les poings, elle respira un bon coup avant de prendre la parole.

Je pense aussi que le mieux reste la discrétion. Nous passerons par la crypte. A partir de là, la concentration et la communication seront indispensable. Que chacun surveille un maximum les alentours et se fasse aussi discret que possible. Gaspardin, tu passes devant en éclaireur comme convenu. Si tu vois quelques choses, quoi que ce soit, tu reviens vers nous afin que l'on s'organise en fonction. C'est bon pour tout le monde ?

[Iris]

Gaspardin fut ainsi le premier à découvrir la grande salle du temple.

Quatre colonnes, l'une entourée d'un escalier de plan carré, qui montait assez haut. Sur la droite, un escalier plus discret descendait, probablement vers la crypte. Devant, comme prévu, une grille dorée et ornée de cristaux, mais la clarté qui s'en dégageait était rendue terne par des choses qui poussaient dessus. On aurait presque dit du lichen du Chancre. Au plafond, un grand cristal solaire était désormais recouvert d'une excroissance répugnante, toute en bourrelets, vésicules et viscosités pulsant d'un rythme lent. Il faisait ainsi moins clair qu'à l'extérieur, dans les rues de la cité ou près du bastion.

Tout était calme pour l'instant.