[Arolavie] Chapitre 2 - Dans les terres marginales [SPIN-OFF / SPOILER] Une aventure de la garde lunaire de Fort Ditelni à la frontière nord-ouest de l'Arolavie.

[Iris]

Le repaire actuellement occupé par la bande du Banni était un ancien tumulus pillé et profané depuis bien longtemps. Ses couloirs et ses salles avaient été aménagés pour les besoins de la cause et beaucoup avaient commencé à s'habituer.

Tout avait changé avec l'arrivée de Liath Sionnach.

Il avait tendu une embuscade avec la garde lunaire pour remonter jusqu'au repaire des brigands. Certains avaient été tués lors de ces combats, et leurs camarades demandaient vengeance. Liath les avait rejoint, il s'était présenté à la compagne du Banni, et elle l'avait reconnu comme étant son cher frère. Elle avait soutenu son admission dans la bande. En soi, c'était déjà pénible pour beaucoup de brigands, mais en plus, Liath avait demandé avec insistance de ne pas attaquer Fort Ditelni alors même que la place était très affaiblie et qu'il y aurait sûrement du butin à faire.

Le Banni avait accepté d'épargner Fort Ditelni, mais avait clairement établi qu'il n'était plus question pour lui de se voir imposer à l'avenir des décisions qui iraient contre les intérêts de la bande.

Aujourd'hui, le Banni et ses principaux lieutenants déjeunaient. Il fallait faire le point sur la situation et décider des prochaines cibles et repaires.

[Iris]

Le Banni en imposait par sa taille, sa musculature et son assurance. Ce nordique avait le crâne rasé et tatoué. On devinait se poursuivre sur son cou et dans son dos, les motifs évoquant des dragons ou d'autres créatures furieuses. L'homme lui-même restait souvent calme, mais quand il déchaînait sa colère, il était aussi effrayant et implacable qu'un berserker. Il utilisait fréquemment une peau d'ours comme manteau ou pour s'asseoir à l'intérieur, et il était probable que ce fût là un trophée, car les gens du Septentrion considéraient comme déshonorant de porter la fourrure d'une bête fauve sans l'avoir tué eux-mêmes. Il ne se déparait jamais de ses armes, comme tous ses compagnons d'ailleurs, mais ne portait pas en permanence d'armure.

" Liath, nous avons accepté d'épargner la garde lunaire pour cette fois. Pourtant ils ont tué plusieurs des nôtres et ne nous feront pas de cadeaux à l'avenir."

" Si nous attendons ici, ils viendront en nombre pour nous attaquer. Ce serait stupide de rester. Il est temps de partir. La question est où et pour faire quoi ? "

" La Lothrienne nous tend les bras, avec ses domaines nobles faibles, en bordure des terres sauvages du Septentrion."

" Nous avons reçu des offres. Certains sont prêts à payer pour que nous les aidions. L'un veut explorer le nord et les ruines boréales ; le second nous appelle à venir en Arolavie. "

" Chacun peut choisir sa destination. Il y aura de quoi faire pour tout le monde."

Cette annonce signalait sans doute un futur éclatement des effectifs de la bande. L'arrivée de Liath et la décision de ne pas attaquer Fort Ditelni avait généré des dissensions. Le banni était capable de diriger, mais n'imposait pas sa volonté. Il aimait la liberté, une liberté brutale et sans concession, dans laquelle la force était le meilleur garant du droit, et les faibles devaient accepter la volonté du plus fort.

[Aeghiss]

Partout où il allait, Ardiël dénotait par sa grande taille, surtout pour un Melessë, ses cheveux bleu nuit, ses yeux émeraude et son charme envoûtant. Il était vêtu d'une armure de cuir clouté et de simples vêtements de voyage, et portait pour toute parure une grande dent attachée à un ruban de cuir ; et malgré tout le svelte demi-elfe parvenait à paraître élégant, presque raffiné. À sa ceinture étaient attachés les fourreaux d'une rapière et d'une dague ; et son luth ne quittait ses mains que pour être porté en bandoulière.

Ardiël parlait généralement sur un ton doux et parvenait à faire porter sa voix sans élever le ton. Lors de son arrivée dans le groupe, peu l'avaient pris au sérieux, mais ses nouveaux camarades avaient vite compris que sous ses dehors de barde délicat aimant partager des histoires et des chansons au coin du feu se cachait un adversaire à ne pas prendre à la légère... Même lorsqu'il ne faisait pas usage de ses artifices magiques.
Les plus attentifs avaient par ailleurs remarqué que durant les derniers mois le Melessë s'était beaucoup rapproché de Conrad, l'une des victimes de la garde lunaire.

Lorsque le Banni se fut tu, Ardiël fut le premier à prendre la parole. Avec beaucoup d'attention on pouvait déceler un infime soupçon d'accent cyfand dans sa voix mélodieuse.

"Si on part explorer des ruines nordiques on pourra sans doute trouver tout un tas de choses intéressantes. Quant à l'Arolavie... D'abord, quelle est la demande ? Ensuite... On pourra faire du grabudge avec la garde si on y va ?"

Sur ces derniers mots, le barde se fendit d'un sourire carnassier d'autant plus effrayant qu'il rayait un visage d'ordinaire angélique.

[Iris]

Le banni précisa :

"L'Arolavie, il y a deux demandes. L'une pour des ruines, l'autre d'étrangers qui ont un problème avec la karalieva. Alors oui, il y a matière à régler tes comptes avec la garde lunaire."

" Il y a moyen de se faire une ou deux Maisons lothriennes et se disperser ensuite. Même pas besoin d'être nombreux pour ça, à nous tous ça se fait."

Nous tous, c'était le conseil des brigands les plus expérimentés et les plus dangereux.

[Atorgael]

Calthor Fenybarg - Gnome des roches

Le conseil des brigands, Calthor en était membre à part entière. On le lui aurait prédit l'année précédente qu'il en aurait bien rit.

Calthor se tenait en retrait un peu dans l'ombre malgré sa lanterne portative qu'il s'était bricolée avec les moyens du bord. Ça n'avait rien à voir avec le superbe chandelier d'or et d'argent qu'il avait fabriqué pour son étude et qui devait aujourd'hui servir quelque notable illettré et ignare, mais sa petite lanterne faisait le boulot, elle éclairait les pages qu'il griffonnait depuis le début du conseil.

Tenir les comptes et se rappeler des décisions était important. Peut-être pas pour tout le monde mais c'est sûr que ça pouvait servir. Le Banni ne lui avait pas interdit de le faire, mieux, il lui avait demandé une fois de lui rappeler une de ces décisions sur un de ses lieutenants.
Calthor en avait été ravi, ravi que ce chef impressionnant et charismatique trouve une utilité à sa personne.

Leur rencontre tenait du hasard total et Calthor aurait pu finir au bout d'une lance si sa sagacité n'avait pas éveillé l’intérêt de ce chef. Depuis, il avait retrouvé un peu de quiétude et de sécurité au sein de cette bande de tueur et de coupe jarrets.

Certains membre du conseil ne le tenait pas en si haute estime, Calthor le savait bien mais il s'en moquait tout autant. Son air revêche, son nez tordu, sa courte barbe emmêlée et aussi tachée d'encre que ses mains n'aidait certes pas à la fraternisation virile des combattant du groupe. Il savait qu'il ne résisterait pas longtemps à une bonne rossée si le plaisir leur en prenait, mais Calthor avait d'autres atouts et beaucoup si était frotté pour ne plus trop y revenir.

" Arolavie, ... karalieva, ... Maisons lothriennes... " marmonnait-il doucement en couchant les mots sur le papier.

Pour Calthor, partir au nord ou au sud lui importait peu. Explorer des ruines ou piller un manoir n'avait que peu d’intérêt. Il était même parfois un peu dégouté par tout ce sang versé alors que d'autres moyens existaient de s'approprier les richesses d'autrui, mais le Banni décidait et Calthor le suivait.

[Iris]

Un garde annonça qu'un matriarche gobeline se présentait et demandait audience au chef. Tous les malfrats des grands espaces savent que dans les cultures gobelines et gobelours, les matriarches sont les véritables maîtresses du destin des tribus. Elles cherchent les employeurs, signent les contrats, concèdent des guerriers... Pour les gobelins, les mères sont sacrées et la hiérarchie se fait à celles qui auront le plus d'enfants. Malheureusement cela entraîne un cercle vicieux de bouches à nourrir et de moyens expéditifs trouvés pour assurer la subsistance de tribus à la démographie en dent de scie.

Le Banni accepta de recevoir la matriarche qui se présenta sous le nom de Hargneuse. Elle s'appuyait sur une canne taillée dans une branche tordue mais solide. Derrière elle marchait une jeune gobeline enceinte et très respectueuse de son aînée. La jeune lui installa ainsi immédiatement un siège sitôt qu'elles parurent dans la salle de banquet et de réunion.

" Salut à toi, chef de guerre." commença la matriarche d'une voix assurée.

" Tu connais les usages et tu sais qu'il est bon pour ton clan d'écouter la voix des mères gobelines. Aujourd'hui je viens à toi avec une offre qui satisfera tes ambitions et te couvrira de gloire."

[Iris]

Comme il n'y avait rien à faire d'autre que d'écouter la suite, le Banni lui fit signe de poursuivre.

" Je viens t'offrir la forteresse imprenable qui deviendra la capitale de ton royaume, celui que tu taillera de ton épée, conquérant l'Arolavie et la Lothrienne, et qui sait, plus encore ?"

" Tu me demandes de prendre une forteresse imprenable…" souligna-t-il.

" Imprenable, c'est comme tout, c'est quand on ne sait pas s'y prendre. Je connais certains secrets de ces lieux qui te permettront de t'en emparer. La ruine est actuellement hantée et piégée, mais ce n'est pas le genre de choses qui effraient quelqu'un comme toi, pas vrai ? "

" Et que veux-tu en échange de ton aide ?"

" Que les guerriers gobelins aient une part de butin égale à celle des guerriers des autres peuples, et que mes filles aient leur domaine dans ta capitale. "

Le Banni remercia Hargneuse pour cette proposition intéressante, et lui demanda d'attendre à l'extérieur qu'il prenne sa décision avec le conseil de ses lieutenant.

La matriarche se releva, s'inclina et trottina vers la sortie, suivie de la jeune qui portait tout le nécessaire au confort de son aïeule.

[Aeghiss]

"Des spectres déboulant des quatre coins des ruines, et un groupe de héros valeureux luttant contre l'ennemi implacable pour leur reprendre une forteresse antique !", s'exclama Ardiël d'un ton théâtral.
"On pourrait en faire une scène digne des plus grandes épopées... Néanmoins nous pourrions tout aussi bien agoniser dans la boue comme des rats.", cracha-t-il d'un ton froid et dur.
"Vous aimez les risques, les gars ?", reprit le barde avec un sourire inquiétant.

Spoiler

Petits points métajeu pour l'ambiance [jets de la MJ] :
Jet de Tromperie : 8+d20(15) = 23 pour vous bluffer sur mon exaltation initiale.
Jet d'Intimidation : 5+d20(16) = 21 pour casser l'ambiance / vous inquiéter.

[Etmer_Fachronies]

La pierre. Froide. Partout. Un cauchemar désagréable.

Au-dessus des têtes, la voute du plafond. Brute. Basse. Oppressante. Elle tombe sur les présents. Elle veut les écraser de toute sa masse. Mais en fait… non. Ceux qui l’ont bâti ont bien fait leur travail, il y a si longtemps. Les pauvres. S’ils savaient. La bande l’a bien changé, le repos sacré de leurs frères. Mais ils ne savent pas. Non. Ils ne le peuvent pas, ils sont tous retournés à la boue. Pas vrai ? Comme tout le monde, un jour. Mort. Mort ! Morts !!!

Njolen se passe une main sur le visage, ses doigts fins contre les paupières. Il les presse, les referme comme des serres. Masse ses tempes rasées, caresse la large brûlure qui orne son côté droit. Tant de bruit. Pourquoi est-ce que ça braille, devant ? Il écarte légèrement les doigts, et jette un regard sur la scène qui lui fait face.

La matriarche gobeline, en plein centre de la pièce. La seconde derrière, qui la suit comme un petit chien fidèle. Prête à encaisser le coup de bâton de la matrone mécontente. Des torches, beaucoup de torche. Il en faut, pour éclairer ce terrier. Et encore, aucun animal n’en voudrait. Mais les hommes du Banni le trouvent à leur goût. Les hommes… peuh ! Bien pire que des rats ! Autour, tous les autres. Ils écoutent et discutent.

Le Banni est là. Un des rares hommes qui ne mérite pas de finir sur une pique. L’elfe lui fait confiance, il le suivra. Il lui doit une vie, après tout. Les autres… il s’en moque. Quoique, ceux du conseil sont intéressants. Et encore, ça dépend. Plus loin le sang-mêlé parle, grandiloquent. Partir à la conquête des ombres ? Mourir comme un rat ?

Njolen soupire. Sa place est dans une forêt… Et il se retrouve ici. Ici ! Ici ! Terré comme un rat ! Ah !

Un léger sourire pointe sous sa main. Il le contrôle, reste stoïque. Puis le sourire grandit, grandit… Encore. Encore ! Un large sourire tranche son visage en lame de couteau, ses tatouages tribaux se déforment. Ici ! Ah oui, qu’est-ce qu’elle était bonne ! Décidément, les dieux sont drôles ! Njolen craque. Ses dents d’une blancheur immaculée jaillissent, éclairent sa peau plus mate que les feuilles d’automne. Il bascule sa tête en arrière, une main dans ses cheveux rouges, et éclate d’un rire franc.

- Oui, oui, oui ! Sang noir, que j’aime cette idée !

Njolen porte la main vers l’un des nombreux colliers de dents qui ornent son armure de cuir épais. Il le saisit, le malaxe. Puis, il penche la tête de côté. Comme à l’écoute d’un son connu de lui seul. Son visage se referme d’un bloc, contrarié.

- Non, non. De la compagnie pour toi ? Et puis quoi encore, des pièces sur tes orbites vides ? Silence, Kanae ! Sale garce ! Je me fiche de tes plaintes ! Toujours à gémir, gémir, gémir ! Tu n’avais qu’à y réfléchir avant, ah !

Njolen fixe son regard sur le barde aux cheveux bleus, et recommence à sourire.

- Ardiël, pourquoi aller chercher les ombres ? Celles qui vont dans nos pas suffisent plus qu’assez. Pour qui parle aux esprits, les fantômes sont des chiots braillards.

L’elfe de sève pose la main sur son bouclier de bois épais, posé aux pieds de se chaise. Le contact du chêne noueux réconforte un instant l’aldaron. Solide. Chaud. Puis sa main glisse vers son cimeterre. Froid. Le cimeterre de maître Kwell… feu maître Kwell. Lui qui imitait si bien les oiseaux. Une boule dans la gorge. Le feu. Le feu ! Le feu danse devant les yeux de Njolen. Maître Kvell, à la sagesse profonde ! Ils l’ont tué comme un chien !

La fureur brille dans les yeux de l’elfe. Il toise la matriarche peau verte, et crache :

- Enfers, son plan me plait bien plus ! Une forteresse imprenable ? Tant d’idiots à aller faucher ! Eana m’entende, les terres doivent être purifiées ! La souillure, arrachée à la racine ! Ils se croient forts ? Nous les briserons ! Cendres et fumées, le Grand Cerf crie ! La peste soit de ce furoncle de pierre !

Njolen écoute de nouveau. Hoche la tête, plus calme. Puis reprend.

- Là, même Rodr penche dans cette direction ! C’est dire.

L’elfe fouille alors dans sa besace, et sort une petite fiole d’un liquide noir. Plus sombre que les recoins de la pièce obscure. Il jongle nonchalamment avec, entre ses doigts fins et agiles. Un pli sombre barre ses yeux fins.

- De la vermine ? J’ai un répulsif. Les herbes folles, il faut les arracher. Ou les brûler. Ou pire. Oui, pire. C’est justice, après tout.

L’elfe jubile. Cette fiole ci n’est pas complète, mais il s’en moque. Personne ne le sait, et tous ici savent de quoi il est capable. C’est ça l’important. Il la pose sur le sol, et recommence à jouer avec l’un de ses colliers. Des humains à chasser… tant de nouvelles dents à ajouter !

[Iris]

Il fut décidé d'examiner la proposition de la gobeline Hargneuse. Le bannis et ses meilleurs éléments se dirigèrent vers la forteresse dans le but de fonder leur nouvelle capitale, la base de leurs conquêtes futures. Ils étaient prêts à affronter bien des périls pour forger leur destinée, et bien décidés à ce qu'elle marquât l'histoire.


Les gardes lunaires n'allaient pas tarder à entendre à nouveau parler d'eux.