par Etmer_Fachronies »
05 sept. 2019, 01:34
L'esprit au calme, assis en tailleur, Yardan observait. Devant lui trônait la statue du griffon, et ses douces lueurs chatoyantes. Libres et insouciantes, les lumières olympiennes se déversaient sur les dentelles de pierre qui sublimaient le plafond. Tout était serein. Quelques poussières étrangères planaient ça et là, presque immobiles. Elles avaient été poussées par un souffle, et s'en revenaient doucement vers le sol, diaphanes câlines diaprées d'éclats miroitants.
Oui, l’atmosphère même du lieu aspirait à la méditation. C'était le repos des méritants, le havre des élus qui avaient su vaincre l'adversité, qui avaient su achever de l'épreuve pour en sortir grandi. Le calme ondoyant régnait en maître indolent, car il en avait été voulu ainsi.
Et pourtant.... il n'en était rien. Depuis maintenant trop longtemps, une joute verbale acerbe déchirait le calme de l’endroit.
Aussi étonnant que ce soit, Yardan avait suivi les paroles échangées. Mais enveloppé de cet halo feutré né des pierres et des ors, il s'était simplement contenté d'écouter sans mot dire. L'échange entre les divergents était après tout une pratique saine louée au sein de son ordre, à laquelle il n'était guère poli de se mêler. Si la discussion avec Caliobé, Kaan'an et Levko l'avait passionné, il avait jugé sage de se retirer de celle engagée au retour des autres pèlerins.
Quand Taliesin s'en était allé saluer l'âme des défunts, Yardan eut une pensée pour le fantôme du gobelin solitaire qui s'en était venu les saluer, perdu sur une montagne en flamme. Oui, il espérait que la Balance se montrerait clémente envers ceux qui n'étaient plus, car grand avait été leur mérite. Puis Caliobé et Dharka s'en étaient de nouveau mêlées, et le couplet des épines était revenu. Yardan avait de nouveau admiré le plafond brodé d'albâtre.
Pourtant, même ces échanges semblaient trouver leur fin. Tous les présents étaient désormais rassemblés au sein d'un cercle de magie, qui de toute évidence devait les mener à la sortie que les Divins leur avaient aménagée.
Yardan se redressa d'une flexion de jambe fluide. Il ramassa à son tour son paquetage de jute, et le passa à son dos. Oui, le contenant commençait à peser quelque peu. La sacoche à herbe médicinale et la poche de graines récoltées se disputaient l'espace intérieur aux fruits et à la gourde artisanale, tous plus bombés que leurs voisins. C'était cependant une gageur, aussi s'en accommodait-il plaisamment.
D'un pas souple, le disciple de Draaz s'approcha des autres. Mais avant d'entrer dans le cercle, un sourire aux lèvres, il se retourna et désigna la statue d'un geste de la main.
[Commun des profondeurs] - Voyez, frères d’Épreuve. Le Messager des Trois nous contemple, nous qui nous apprêtons à quitter le seuil de sa tanière. Draaz m'assiste, toujours tourne la Grande Roue. Ce havre nous fut éphémère foyer, et le sera pour tous les prochains Méritants. Si chaque sillon est Unique, parfois ceux-ci se croisent, et c'est ce qui fut ici. L’Épreuve Sacrée fut accomplie, et Triomphe devint écho de nos actes. Quand bien même nos pas dussent-ils nous porter sur des chemins différents, nul ne peut défaire ce qui fut.
Yardan laissa passer un silence, le temps que tous s’imprègnent de l'aura qui rayonnait de ce temple sacré.
[Commun des profondeurs] - Il y a fort longtemps, alors que se posaient les pierres de la Prime Chapelle du Commencement, Jadir, loué soit le second Prophète, eut des paroles surprenantes pour les disciples qui œuvraient à ses côtés. Devant lui, deux maçons en étaient venus aux mains. Le premier souhaitait bâtir au plus vite, afin de rendre grâce à Draaz au plus tôt. Le second souhaitait bâtir au plus lent, afin de construire une demeure la plus splendide pour le Dieu Dragon. C'était vrai, les deux se paraient des meilleurs intentions. C'était vrai, les deux abritaient la même foi ardente en leur cœur. Et pourtant, le travail n'avançait plus. Jadir écouta alors attentivement les paroles des deux maçons, puis il leur répondit. Il leur demanda d'arrêter leur travail et de quitter de l'île. Stupéfaits, les deux s'insurgèrent. L'un avait forcément plus raison que l'autre, c'était obligé. Alors Jadir se tut, et il attendit. Et les deux maçons comprirent enfin, aidés des regards de leurs frères, qui tous désormais les regardaient sans plus travailler. Mortifiés, les deux hommes se remirent dans le rang, et troquèrent le fiel de l'inaction contre d'autres pierres à poser sur le mur.
Le disciple du Commencement regarda alors intensément les présents.
[Commun des profondeurs] - Dame Caliobé, dame Dharka. Vos esprits sont unis en la même direction, pourtant tout deux s'affrontent en cette heure. La Balance toujours juge. Si vaincre les Aboleths est véritablement l'absolu qui vous anime, alors concession devra supplanter exigence. Oui, dame Dharka a raison. On ne construit pas la confiance sur le vol, tout comme le respect d'un peuple ne s'acquiert pas en brandissant les oripeaux de ses morts. Le bouclier se devra d'être rendu. Mais oui, dame Caliobé a raison. On ne construit pas l'échange sur la soumission ou l'impérieux, tout comme on ne rachète pas sans rien la grâce de ceux qu'on avait déjà voué à l'autel de Mort. Si le bouclier se doit d'être rendu, un autre de même capacité, sans la charge du symbole et du passé, se devra d'être spontanément confié, en gage de confiance et de reconnaissance.
Yardan sourit de nouveau, aussi serein que les lieux bénis.
[Commun des profondeurs] - Souvenons-nous des Leçons de Saint Jadir. Toujours Compréhension est mortier des Vertueux.
Les Aigles d'Arolavie : Yardan, adepte du Dieu-Dragon - Moine de niveau
6
CA
15 - PV
45/45 (6d8) - DV
6/6 (d8+2) - Points Ki
6/6 - Héroïsme
3/3 - Gourde
10/10