par Etmer_Fachronies »
26 mars 2017, 23:47
L’aînée des deux sœurs répondit d’un ton sec.
- Je prends l'arrière-garde.
Puis, après un silence lourd :
- Désormais, c'est Jasna qui commande.
Yardan observa Ludmilla, se retenant d’ajouter une parole malheureuse. L’ordre présent était tombé, dur et froid, dans une situation où bien trop s’entremêlait. Sous les mots de la rousse perçaient tant la douleur que la colère, et la morosité se débattait avec une rage bien trop vive. L’adepte soupira. Il ignorait encore trop du passé des sœurs pour déchiffrer tout ce qui venait de se produire. Pourtant, il en comprenait une partie. L’atmosphère, le ballet des regards, les pulsions des auras… l’ordonnante, en transférant responsabilité du présent assaut contre la Forge souillée à sa cadette, avait fait un choix lourd et difficile.
Jasna, de son côté, semblait moins affectée que sa sœur aînée. Dans ses yeux brillait toujours, si ce n’est plus, de l’injonction du commandement divin. L’Eveillée qu’elle était devenue avait un but, et elle ne se laisserait guère distraire quant à sa direction. Fort heureusement, à défaut de réchauffer le cœur de Ludmilla, ses paroles précédentes avaient rasséréné Yardan. Il savait la jeune guerrière apte à raisonner avec discernement en vue de l’affrontement qui s’esquissait. Et ses arguments, bien qu’en désaccord avec la logique du moine, sonnaient justes.
Réfléchissant aux enjeux et aux conséquences, Yardan passa par réflexe la main dans les poches de sa tunique déchirée. Surpris, il y senti un contact ô combien familier. Les Héliées du Commencement ! Avec tout ce qui s’était déroulé ces dernières heures, Yardan les avaient complètement oubliées. Il se morigéna. C’était là idiotie digne d’un novice. Avec un calme fébrile, il sorti le jeu de bandelettes qui lui avait été remis à la fin de son initiation. Tissées d’un alliage de connu des Arcanistes des Salles du Livre seuls, le tissu fin était léger, mais aussi résistant qu’un acier nain dans les mains d’un adepte accompli. Des soutras tirés des Dires du Premier Prophète y étaient apposés, d’un ton or sur un azur profond. C’était tant un objet de culte important qu’un souvenir cher. Le moine se devait d'y faire honneur de ce pas.
D’un geste répété des milliers de fois, il prit le premier bandage enroulé sur lui-même et en passa son accroche autour de son pouce. Il déroula la bande, fit un premier tour autour de son poignet. Il fit ensuite bifurquer la bande entre son auriculaire et son annulaire, et fit un second tour de poignet. Puis emmena la bande l’annulaire et le majeur, fit un autre tour. Puis entre le majeur et l’indexe, fit un autre tour. Vint enfin le moment de bloquer le pouce. Il répéta alors toute l’opération. Ensuite, il entoura consciencieusement ses phalanges à plusieurs reprises, puis vint finir le reste de sa bande autour de son poignet.
Il observa son œuvre, tout en ouvrant et resserrant son poing bandés. Une tenue ferme... Des articulations maintenues... Une souplesse préservée pour esquisser des gestes à loisir... Bien. Il s’était souvenu. Il fit alors de même avec la seconde main, pour un même résultat. Parfait. C'était parfait.
Il joignit les mains poings serrés, et inspira. Une sensation réconfortante parcouru le corps du moine, au contact si familier des bandelettes. Loin des affres de ce gouffre sordide, il était de nouveau en phase avec une partie de son être. Et cela oui, cela était bien.
Son devoir accompli, il replongea sa main dans sa poche, et en sorti un autre élément caché sous les bandelettes. Il l'exhiba devant ses yeux, et sourit. Il ne s'était pas trompé quant à l'autre objet qui avait survécu à la fouille méthodique des matons. C'était une petite pièce en bois sculptée, fragile et sale, sans aucune valeur ni utilité, qui lui restait d’un bivouac autour d’un feu de camps, une éternité plus tôt. Le moine sourit un instant en se remémorant la scène. Puis il avisa ses compagnons. Plus avant, un Terdéric plus vaillant qu’il n’avait jamais été donné de le voir et une Jasna énergiques’apprêtaient à avancer, ainsi qu’il avait été défini. En arrière, venait Ludmilla, toujours murée dans un mutisme morose. L'adepte du Souffle profita de l'inattention de ses autres compagnons pour lui glisser l'objet dans les mains, et lui souffler avant qu'elle n'aie le temps de réagir :
- Ludmilla, Draaz m’en soit témoin, le moment ne s’y prête guère, c’est pourquoi il ne saurait mieux convenir. Souviens-toi de mes mots, et trouve en toi triomphe pour l’Epreuve qui t’es échue. En cette heure, puisses-tu faire de ton esprit un Fort, et de tes Doutes neige à la Lumière de Son soleil.
Il lui adressa un ultime signe de tête, et s’en fut prendre rapidement son rang au milieu de la colonne. Déjà, Jasna donnait le signal du départ.
Le groupe se mit en branle dans un calme relatif. Tous étaient tendus, tous anticipaient la bataille à venir. Ils progressèrent rapidement vers les portes, et firent jouer leur mécanisme. Ils se crispèrent, attentifs... mais l’ensemble fonctionna aussi habilement comme la veille. Dans un cliquetis bien huilé, les gonds s’ouvrirent sur la cité morte, nimbée du halo pâle des cristaux de solium. Ils en franchirent l'embrasure, soulagés.
Une voix fluette et rauque cingla alors l’air frais de l’Inframonde :
- Annoncez vos noms et motifs. S'ils sont mauvais, vous paierez le prix du sang.
Tous sursautèrent, tétanisés. Comment ? Un ennemi ? Ils n’avaient rien remarqué !
La voix retenti de nouveau :
- Enfin, pas les noms, hein, les motifs.
Yardan fulmina. Un assaillant, ici ? Un sbire de l’immonde ? Il n’avait pourtant pas noté la moindre présence maligne ! Un laquais des vendeurs d’esclaves ? Les Rayons de la Roue auraient acté de les voir ainsi rattrapés ? Il serra ses poings bandés. Il en aurait le cœur net !
- Qui parle ainsi, en ce lieux abandonné à l’abjecte et à la putrescence ? Draaz ne reconnait ni les Masques du Lâche, ni l’Infâmie du Serpent ! Vous qui nous apostrophez, pliez-vous échine devant l’un d’entre eux ? Avez-vous cause avec les marchands d’âmes, révérez-vous l’Immonde ? Si tel est le cas, alors les mots sont vains ! Sortez en lumière et périssez, car clémence ne sera de mise en ces lieux ravagés par la pestilence roide des Séides du Corrompu !
Les Aigles d'Arolavie : Yardan, adepte du Dieu-Dragon - Moine de niveau
6
CA
15 - PV
45/45 (6d8) - DV
6/6 (d8+2) - Points Ki
6/6 - Héroïsme
3/3 - Gourde
10/10