par Casaïr »
11 avr. 2016, 16:54
Ludmilla était une jeune femme de vingt-quatre ans, aux longs cheveux roux et bouclés qu’elle attachait souvent en une longue natte pour les discipliner un peu (ce qui reflétait au final sa seule coquetterie), aux yeux gris volontiers rieurs et au nez mutin. Toutefois, sa vie était à l’exact opposé de ce qu’elle exprimait au quotidien : elle était esclave, et fille d’esclave. C’était un beau brin de fille au caractère volontiers rebelle, mais qui tâchait de se faire discrète lorsque ses actions présentaient un risque de répercussions contre sa famille. Malgré cela, pour ceux qui arrivait à se lier d’amitié avec elle, c’était une fille optimiste et fonceuse, persuadée qu’un jour elle pourrait vivre librement.
En fait, quand elle y réfléchissait, elle se rendait rapidement compte qu’elle avait toujours connu cette vie : Orel et Maliana, ses parents, appartenaient à une vieille famille marchande de Horadarol, la capitale d’Arolavie, et qui avait fortune dans le commerce d’étoffes et d’épices rares, les Lubor. Du peu qu’elle ait jamais pu apprendre, ses parents étaient des concurrents qui furent achetés purement et simplement par le patriarche Dragoslav, trop heureux de les écraser et de les exhiber tel des trophées. Cet évènement funeste était arrivé peu avant sa propre naissance.
C’était aussi une sœur qui prenait son rôle d’aînée un peu trop à cœur, protégeant Jasna de la colère de leurs maîtres en endossant les erreurs de sa cadette en plus des siennes propres, subissant de fait des punitions doubles. Jasna avait beau tenté de la raisonner, rien ne pouvait faire changer d’avis Ludmilla, et les deux sœurs se disputèrent souvent quant aux blessures résultant des châtiments corporels qu’elle subissait régulièrement. Mais si Jasna était rongée par l’inquiétude devant l’entêtement de son aînée à prendre tout leur malheur sur ses seules épaules, Ludmilla, elle, estimait que la préservation de sa sœur valait bien ce sacrifice. Et même si tout cet amour était sans doute trop étouffant, elle ne pouvait s’empêcher d’agir ainsi.
À cela, il y avait une excellente raison : si Ludmilla a toujours tenté d’accepter tant bien que mal son sort ainsi que celui de ses parents, Il lui était difficilement supportable de voir Jasna subir le même traitement, et ce depuis qu’elle avait l’âge de comprendre ce que signifiait être un esclave. Elle rêvait d’ailleurs souvent qu’elle arriverait à économiser suffisamment d’argent pour racheter leur liberté à tous, ou qu’une âme noble aurait de la compassion pour leur situation. Mais, bien entendu, tout cela n’était qu’un rêve, comme le martelait régulièrement le patriarche de la maisonnée. Pourtant, elle faisait des efforts, voulant croire à ce rêve inabordable selon Dragoslav, et avait été particulièrement assidue lorsqu’on lui apprenait, en plus du ménage à faire, à tenir la boutique, à trier les étoffes ainsi que les épices dont elle apprit les noms jusqu’à l’écœurement. Quand le patriarche mourut, c’est son fils aîné, Miro, qui prit sa succession, et la situation déjà précaire de Ludmilla et sa famille ne fit qu’empirer après tout cela : le travail devenait plus dur, durait toujours plus longtemps, et elle appréciait de moins en moins les regards que lui jetait son nouveau “maître”...
Un jour, alors qu’elle faisait le ménage dans le salon de la maison, elle surprit une conversation entre Rosica, la sœur cadette de Miro, et son fiancé du moment (Ludmilla ne prenait même plus la peine de retenir les noms, elle en changeait pratiquement tous les mois), qui tenait sur la Légion Lunaire. Ce qu’elle entendit fit bondir son cœur, car, apparemment, il était possible d’obtenir ce qu’on voulait en échange d’assez de temps de service en son sein ! Ce même jour, Miro vint se presser derrière elle et, avant même qu’il dise ou fasse quoi que ce soit, se prit une gifle si retentissante que tous ceux présents dans le salon à cet instant arrêtèrent leurs conversations pour voir de quoi il retournait. La colère qu’elle vit dans le regard de son “maître” la prévint qu’elle venait de franchir les limites, et qu’elle risquait gros dans un avenir bien trop proche à son goût. La gifle qu’il lui rendit plus tard dans la soirée lorsqu’il fut enfin seul avec elle, alourdit par la lourde chevalière qui devait lui laisser une marque juste sous l’œil gauche, lui confirma qu’elle n’avait plus de temps à perdre.
Elle prépara son départ pendant plus d’une semaine, jusqu’au jour où elle fut enfin prête à partir. Elle laissa une note sur son oreiller à destination de ses parents et s’enfuit pour le quartier de recrutement où elle s’engagea en échange de la promesse de libération de toute sa famille. C’est alors que son sourire disparu lorsque, se retournant, elle aperçut Jasna qui s’en allait signer elle aussi. Ne pouvant se permettre un esclandre en plein milieu du bureau de recrutement, elle attendit en se morfondant de pouvoir lui parler.
La dispute fut brutale, sans doute une des plus terribles que dut affronter Ludmilla, mais elle fut forcée de reconnaître que sa jeune sœur avait au moins autant qu’elle l’envie de s’en sortir, de protéger leurs parents, de la protéger, elle. Et malgré toutes ces années de maltraitance, toutes ces années de quolibets, de remontrances et de désespoir, c’est ce jour-là qu’elle craqua, et qu'elle pleura pour la première fois devant Jasna, incapable qu’elle était de l’’empêcher de la rejoindre sur une route aussi périlleuse...
Le lendemain, lorsque les instructeurs firent le tour des nouvelles recrues et que l’un d’eux se planta devant elle pour voir ce qu’elle savait faire, Ludmilla ne fut embarrassée qu’un bref instant : elle était plutôt agile de ses mains et ne voulait plus laisser quelqu’un d’autre qu’elle décider de sa vie, prenant ainsi, sans vraiment s’en rendre compte, exemple sur sa cadette. Ce serait donc désormais les armes à la main qu’elle affronterait les difficultés et tous ceux qui voudrait les remettre en cage ! Quant au choix des armes, elle ne voulait pas plus se cacher derrière un bouclier, préférant voir clairement ceux qui l’avaient toujours regardée de haut jusqu’à maintenant, et leur prouver qu’elle était plus, bien plus qu’une simple esclave. Et, si les dieux le lui permettaient, racheter la liberté de sa famille.
Ludmilla
Guerrière niveau 2 | Paladine 2
CA : 17
Arme : épées courtes x2 (+4 toucher ; 1d6+2 dgts) | arbalète légère (+4 toucher ; 1d8+2 dgts, rechargement)
PV/dés : 33/4D10 | actuels : 33
Blessures : 0 | Fatigue : 0