[Arolavie] Chapitre 1 - Garder la frontière Une aventure de la garde lunaire de Fort Ditelni à la frontière nord-ouest de l'Arolavie.

[Aeghiss]

Les brigands étaient passés devant lui. Le danger s'était écarté, pour un temps tout du moins.
Wulfstan leva le nez hors des buissons pour mieux se repérer, puis commença à se diriger dans la direction dans laquelle il pensait trouver ses compagnons. Il progressait à la fois rapidement et précautionneusement, faisant attention à ne pas laisser de traces aisément repérables. Leurs poursuivants semblaient avoir finalement compris la ruse, et s'ils mettraient un moment avant d'arriver, il ne faisait aucun doute que la manicle se retrouveraient cernée si elle s'attardait sur les lieux trop longtemps.
Il fallait rejoindre les autres au plus vite, mais laisser une piste supplémentaire n'était pas envisageable.

Dans le même temps, le nain taciturne se tenait prêt à prendre les armes rapidement dans le cas où les brigands reviendraient plus vite que prévu.

[Iris]

Czepple eut une vague grimace d'assentiment à la blague foireuse de Levko. Passé les premiers soins pour stabiliser Levko et surtout éviter qu'il laisse trop facilement de grosses traînées de sang, le roublard prit la parole :

"Ignir et toi Levko, vous allez commencer à aller en direction de la forêt avec Wulfstan. C'est un rôdeur qui connaît bien ce genre de terrain, il vous trouvera un abri pour commencer à vous remettre sur pied."

" Moi j'ai un truc à faire -- discutez pas, c'est un ordre et t'façon vous êtes pas en état de me contredire."

" Maintenant, allez-y, je vous rejoindrai. Ne cherchez pas à me suivre, c'est moi qui vous retrouverai."

Disant cela, il paraissait déterminé -- mais était-ce bien parce qu'il était sûr de ce qu'il faisait ? Ses compagnons avaient déjà pu voir la façon dont il avait pris le risque de lancer une attaque contre un ennemi supérieur en nombre. Czepple suivait avant tout ses impulsions et ses intuitions. Jusqu'ici ça lui avait plutôt bien réussi.

S'assurant que tout était en ordre du côté des blessés, il les laissa avec une dernière tape chaleureuse sur l'épaule et fila, paraissant rebrousser en partie chemin.

...

Ignir et Levko se mirent donc péniblement en route, entendant dans le lointain que les brigands commençaient à rebrousser chemin, sans doute parce qu'ils avaient compris qu'ils avaient été trompés. Mais remonteraient-ils la piste jusqu'aux blessés ? Czepple avait-il décidé de se sacrifier pour sauver sa manicle ?

...

Wulfstan finit par retrouver Ignir et Levko, vaguement rafistolés et s'éloignant prudemment autant que possible.

Czepple avait disparu.

[Edzart]

Après s'être présenté, Tédéric s'approcha, tout d'abord de Yardan, observant les bras musclés du moine avec un sourire impressionné. C'est quand le disciple de Draz commença à parler, que le sourire s'évapora.

- Sieur Terdéric, j’ai là plusieurs questions quant à nos futures tâches dans ces mines, dont nous nous approchons présentement. Qu’en sera-t-il de la fonction de notre groupe, une fois arrivée à destination ? Avez-vous déjà statué quant à nos postes respectifs, ainsi que présentés hier ? Y a-t-il des choses d’importance que nous sommes en devoir de garder par devant notre esprit, auxquelles il nous faudra veiller une fois en bas ?

... Je... On va s'foncer sous terre. Dans l'sol, on va v'rvifier qu'on peut ben 'voyer le reste des travailleurs. L'reste... J'comprends pas.

Reculant de quelques pas, il regarda Yardan de haut en bas, avant de porter son regard sur les deux jeunes femmes.

V'parlez la langue, vous ? Hein ?

[Casaïr]

J'écoutais un rien passivement les explications de l'homme qui devait nous apprendre "les ficelles du métier", les différents postes à tenir, les multiples raisons qui poussaient à creuser en cet endroit ; les histoires de minerais ne m'intéressaient guère contrairement à celle de la cité naine. Malheureusement ma curiosité dut mordre sur sa chique puisqu'il nous fut impossible d'en savoir plus. En mon for intérieur, et malgré notre situation désastreuse, je me pris à rêver de la découvrir, ce devait être un spectacle incroyable. Puis je revins sur terre, un peu honteuse. Je faisais comme avant, je rêvassais toute éveillée pour échapper au dramatique de l'instant et c'était quelque chose que je ne parvenais jamais à vraiment dissimuler. Et vu le caractère exceptionnel de notre situation, je devais vraiment avoir eu l'air ailleurs l'espace de quelques minutes.

Quand Terdéric nous apprit comment il avait fini par devenir esclave, je ne pus retenir un regard de compassion à son égard ; nos parents à Jasna et moi avaient connu pratiquement la même déroute pour la même finalité, bien qu'ils n'aient pas vraiment eu le choix du servage. Je serrais compulsivement les poings tout en feignant d'être calme en écoutant notre interlocuteur, mais je ne regardais personne : mon regard n'aurait pas trompé grand monde quant à ce que je ressentais en cet instant, et surtout pas ma sœur. Jasna... La veille elle n'avait pas paru sensible à ce que j'avais dit, ce qui me laissait à penser que je faisais sans doute fausse route encore, que je prenais encore une fois la mauvaise décision. J'avais la sensation d'être prisonnière d'un marécage dans lequel je m'enfonçais inexorablement sans rien ni personne pour m'en sortir. Et si je parvenais encore à conserver la tête à l'air libre, c'était en grande partie grâce à son soutien. Mais avec ce qui tout ce qui s'accumulait depuis que nous nous étions engagées dans la Garde Lunaire, j'avais l'étrange impression de l'avoir perdue quelque part. De nouveau dans mes pensées -cette fois nettement plus sombres qu'avant- je n'entendis qu'à peine Yardan parler. Et c'est uniquement quand j'entendis notre "nouvel ami" nous demander si on le comprenait que je repris contact avec la réalité, les yeux grands ouverts et cherchant à rattraper la conversation.

Malgré le côté tragique de ce qui nous arrivait et de tout ce qui me passait par la tête depuis que nous nous étions retrouvés ici, la réaction de Terdéric face à Yardan (qui était l'exact reflet de celle d'à peu près tout le monde parlant au moine pour la première fois) m'arracha un petit rire étouffé. Posant une main sur l'avant-bras de mon camarade, j'expliquais rapidement ce qu'il avait voulu dire à notre "guide" en ces lieux.

"Il veut dire qu'il aimerait connaitre la répartition de nos rôles une fois sur place, traduis-je tout en essayant de ne pas sourire devant la tête que tirait l'homme devant moi. Et aussi s'il nous faut faire attention à d'éventuels dangers ou autres règles de sécurité à respecter."

Prenant un instant de réflexion, je rajoutais : "Si j'ai bien compris, nous allons devoir creuser pour chercher des minerais, c'est ça ? Que cherchons-nous exactement ? J'imagine que tu nous montreras comment le reconnaître des banals cailloux qu'on arrachera de la roche à coup de pioches, non ? Et... chuchotais-je presque, il y a des matons en bas pour nous surveiller ou juste nous ?"

[Atorgael]

Levko était soulagé de retrouver une figure amicale, fut-elle pleine de barbe.
Wulfstan semblait soulagé de les voir et ...en colère?

"Tout va bien Wulfstan ? Czep nous a ordonné de te rejoindre, il était dans son état ... tu sais, celui où il vaut mieux rien lui dire.
Je sais pas où il s'est barré mais pour ma part j'ai pas trop l'intention de rester dans le coin.
Si c'est bon pour toi je serai pour qu'on retrouve les autres, je serai même content de revoir la gueule du sergent."

[Aeghiss]

"Quel abruti...", marmonnais-je.
Je grimaçais.
"Bon, ça suffit les conneries maintenant. Czepble est peut-être notre chef de manicle, mais s'il se barre sans rien dire j'ai pas l'intention de rester ici à attendre de voir qui arrive le premier, lui, ou les brigands. Surtout vu l'état dans lequel vous êtes. Allez, on y va. Et je vous préviens, vous avez pas intérêt à me crever sur les bras vous deux."

Je fis une pause, tentant de contenir mon exaspération, mon inquiétude pour mes camarades et ma colère à l'égard de Czepble.

"Passez devant. Je tiendrais l'arrière-garde et j'effacerai nos traces."

Sur ces mots, je me mis en marche, mon arbalète prête à tirer et les sens aux aguets. J'avais les nerfs à vif, et l'humeur exécrable.

[Iris]

Le trio avait atteint la forêt. Wulfstan avait rapidement compris que la zone devenait humide et sans doute marécageuse un peu plus au nord. Pour les blessures de Levko et Ignir, la fréquentation de moustiques infestés de toutes sortes de saloperies ne serait pas du meilleur effet. Alors oui, dans des contrées plus clémentes, les moustiques ne sortaient pas si tôt dans l'année, mais les variantes arolaves étaient coriaces : il suffisait d'un vague redoux pour qu'ils sortent en essaims exaspérants.

Ils arrivèrent à une légère bute, sa pente parsemée de nombreux rochers en granit qui tenaient presque de la table de géant. Ils étaient pour une bonne partie couverts de mousse. La végétation autour alternait : bosquet de pins, puis des bouleau sur une pente et un hêtre majestueux sur le sommet de la butte. Partout où la lumière était suffisante, des tapis de mousse couvraient le sol. Marcher doucement dessus laissait parfois une empreinte, mais elle disparaissait bien vite. De petits ruisseaux sourdaient entre les reliefs.

La forêt était calme, fraîche et printanière. De petites fleurs commençaient à pousser en nombre et écloraient bientôt, enchantant les lieux.

Wulfstan trouva un renfoncement naturel des rochers qui permettait d'établir un petit campement discret où il serait possible de prendre soin de ses deux derniers compagnons. Ignir filait un mauvais coton, il était brûlant. Levko était fatigué, mais restait lucide et ses plaies étaient aussi propres qu'il était possible.


Et maintenant ? Ils allaient devoir se débrouiller à deux.

[Iris]

Terdéric, Ludmilla, Jasna et Yardan se dirigèrent vers les puits. Les mineurs qui avaient un filon à travailler se rendaient là où ils étaient attendus, encadré par des gardes à l'air mauvais qui distribueraient le matériel nécessaire quand il le faudrait.

Il faisait terriblement sombre et l'éclairage était archaïque : des lampe à huile en céramique. Une chacun. La flammèche était à peine plus claire qu'une bougie. On distribua aussi une gourde et un pain : aux forçats de répartir leur consommation. Les éclaireurs avaient en outre une corde. Pour travailler il y aurait en sus des piolets, des peaux et des paniers pour dégager les minerais.

Les gardes de nuit infiltrés avaient de la chance (?) : ils intégraient une unité d'éclaireur. ... ils devinaient à son air que Terdéric n'en menait pas large : le secteur à explorer n'était pas de son goût.


La nouvelle manicle s'installa dans une sorte d'ascenseur en bois de bonne facture. Ils entrevirent un nain donner des instructions à des contremaîtres. Ils n'eurent pas le temps d'en apprendre davantage car ils étaient déjà emmenés dans les profondeurs. La descente dans l'inframonde, ténébreux et étouffant était angoissante et pesante, comme si on posait sur leur poitrine de lourdes pierres, comme s'ils étaient pris au piège.

[Edzart]

C'est... Simple en fait. Un groupe mine, l'aut'... y explore. Nous, on est l'groupe qu'explore. Va floir creuser d'temps en temps, mais pas plus qu'c'qui faut. Juste p'passer, dfois."

Alors que l'ascenseur se mit en branle en grinçant, Térédric regarda autour de lui, puis le bas. Puis le haut. Un observateur attentif remarquerait ses mains, crispées, dont les doigts se tordaient d'un stress qui le rongeait.

J'suis certain qu'l'y est encore. J'suis certain.

[Casaïr]

Je regardais Terdéric, bouche pincée, cherchant à comprendre ce qu'il disait. Par tous les saints qui avaient pu exister, pourquoi devais-je me coltiner un deuxième type incompréhensible ?! J'essayais de reprendre mot à mot sa phrase mais c'était peine perdue, certains passages restaient obscurs. Et à voir la tête de ma sœur et de Yardan, je me rendis compte que je ne pourrais pas d'avantage compter sur leurs lumières...

La seule chose de clair, c'est qu'il était nerveux, qu'on devait être le groupe d'exploration, et que... quelque chose nous attendait en bas. Tandis que l'ascenseur descendait toujours plus profondément dans les entrailles de la mine, je me risquais à regarder notre nouveau compagnon d'infortune.

"Qu'y a-t-il en bas de... si effrayant ?"

Je n'étais pas vraiment de nature impressionnable, mais le lieu additionné à la peur palpable de Terdéric me flanquait la frousse malgré moi. Nerveuse, je regardais en bas tout en me rapprochant de mes compagnons d'arme.