par Etmer_Fachronies »
11 oct. 2017, 18:20
En cette fin de journée, l’air était vif. Le soleil fatigué avait depuis longtemps chuté derrière l’horizon, et c’était désormais l’obscurité qui drapait les montagnes de son voile d’ombre. Dans le ciel infini, les premières étoiles commençaient à poindre, saluées de concert par la brise du soir et les crissements des insectes. Dans les terres qui bordaient les Drakenbergen, le grand ballet nocturne avait commencé.
A ces hauteurs, la nuit était annonciatrice d’un calme froid. Dans le campement de fortune dressé par les gardes lunaires, on s’organisait et on s’abritait du mieux possible. Regroupé autour d’un foyer rougeoyant, les deux manicles discutaient âprement, indécises quant à la suite à donner aux opérations actuelles.
Un peu en retrait du cercle des discussions, Yardan était assis en tailleur, mains sur les genoux. Son corps protégé du froid par la lourde tunique de rechange de la garde lunaire, il restait immobile, écoutant les paroles échangées. Par instants, les éclats du feu vacillant teintaient brièvement son visage au teint hâlé, dont les traits mêlés de ceux des Sables dénotait clairement des locaux. Les yeux dans le vide, le moine se laissait bercer par les sons des présents, tout en réfléchissant à ses enseignements.
La veille, à la sortie de leur aventure dans les mines, la rencontre avec le gobelin Bizut avait permis au groupe de s’orienter dans les montagnes, et de retrouver le Sergent Voukol après une marche éreintante. Après s’être reposé, ils avaient décidé d’enterrer dignement le défunt Tauron, mais l’état de santé de Ludmilla avait supplanté ces obligations. Pour le moine, le respect des morts était essentiel, mais la préservation des vivants primait sur le reste. Aussi, il était resté au chevet de la jeune femme, veillant au mieux à traiter ses blessures et sa fièvre dans la mesure de ses moyens avec l’aide de Jasna, les simples d’Ignir et les ustensiles de Gaspardin.
Loin de l’avoir conforté, l’acte de soin avait fait ressentir au moine une nervosité dont il n’était guère coutumier. Pire, elle ne l’avait pas quitté un instant lorsqu’il s’occupait de la guerrière. Oui, voir Ludmilla dans cet état lui déplaisait au plus haut point. Et, aussi étrange que cela soit, cette colère le surprenait, car jamais auparavant l’état d’un condisciple ou d’un être ne l’avait ainsi touché. En ces heures, le moine regrettait l’absence de ses maîtres de Jishim Shaadar, car ils auraient su guider son âme dans les eaux troubles du doute.
Aussi, une fois sa tâche accomplie, le moine s’était muré dans le silence, prenant du recul pour une méditation bienvenue. Comme à l’accoutumée, il avait laissé son esprit dériver dans l’éther des possibles, se bornant à l’être et à l’instant. Porté par son instinct, flottant dans les limbes mirifiques du ressenti, il se ressourça, se libérant un instant des frémisses de l’hésitation indignes d’un adepte du Dieu-Dragon. Il se recentra sur ses enseignements, car telle était la clef de son ascension sur la Voie de Draaz.
L’esprit en paix, ce furent les éclats de voix de ses frères d’armes qui le ramenèrent au moment présent. Sans quitter sa position de méditant, il resta assis, immobile, et écouta d’une oreille attentive les échanges qui déchiraient le groupe assemblé là. Et même si sa compréhension de l’arolave restait par moment trop scolaire pour saisir toutes les nuances des échanges, il saisit la teneur des propos échangés.
Attaquer la mine, au risque de mourir dans l’opération. Sauver partie des esclaves pour remplir la mission donnée, ou tous les sauver pour satisfaire un désir de justice. Se faire passer pour des ombres, et harasser les tourmenteurs. Fondre sur le château, et faire plier la tête du seigneur inféodé à cette infamie. Plusieurs chemins possibles, et jamais aucun de simple.
Pendant un court instant, l’adepte du Geste réfléchit comment Draaz percevrait l’actuelle situation. De toute évidence, la nouvelle Epreuve du Jour à venir consisterait en la libération des esclaves, et en la mise à bas de leurs geôliers. Pour le Disciple du Commencement, ses enseignements étaient clairs. En aucun cas Draaz ne tolérait qu’un homme soit entravé par la volonté d’un autre, car la quête de l’Accomplissement était l’un des fondements de la doctrine du monastère.
Pour autant, l’un des autres commandements du Dieu-Dragon était le respect de l’ordre donné, et la légitimité des autorités temporelles. Si d’aventure l’esclavage était permis par la loi, alors celui-ci se devait d’être supporté, car l’ordre se devait d’exister. Le changement devait à terme venir de l’ordre, et non de l’exécution de celui-ci. Et plus que tout, le commandement de Draaz était la préservation de la vie. La Mort dans l’Epreuve du Jour n’était en aucun cas une réussite, mais juste l’aveu amer d’un échec cuisant.
Aussi, la conduite à tenir était clair. Le sauvetage des esclaves d’Arolavie primait, car tel était l’ordre donné par le prime ordonnant de la Garde Lunaire. Si le sauvetage des autres esclaves était possible, ce serait chose bonne, mais cela ne devait se faire au détriment de la vie des présents. S’il fallait revenir plus tard sauver les manquants, ou pire les abandonner, c’était que la Grande Roue en avait ainsi décidé.
Les pensées claires, Yardan observa les présents, alors que le dialogue s’épuisait. Il note avec attention le nouvel arrivant, l’elfe dénommé Aërys. Après Tauron et Caliobé, c’était le troisième représentant que de cette race que le moine croisait. Cependant, à la différence des deux premiers, il émanait un savoir-être qui faisait cruellement défaut aux deux premiers. Bien qu’il ne ressemble guère à celui du Dieu-Dragon, cet elfe suivait un code qui lui était propre, et il méritait en cela le respect. Quand le moment serait propice, l’adepte s’en irait saluer le nouvel arrivant ainsi que les manières s’en devaient d’être.
Quand Voukol ordonna les tours de garde, le moine se releva d’un geste fluide. Il s’approcha du sergent, joignit un poing contre sa paume ouverte, s’inclina en un salut rapide et prit la parole :
- Grand ordonnant Voukol, sachez que le verbe qui est vôtre sera le mien ordre. Le dernier tour sera celui que j’assurerai. Cependant, Draaz entende mes mots, il m’est nécessaire de vous mander suggestion. Le tour de garde de l’ordonnante Ludmilla peut-il également m’être échu ? Celle-ci a besoin de repos, car sommeil est père de guérison, puisse la Balance la favoriser.
D’un mouvement de buste, le moine se redressa, et fit un geste en direction du lointain, où devait vaguement se trouver le château du seigneur local.
- D’autre part, sachez que si d’aventure nos pas nous mènent à frapper celui qui fomentes l’abduction des faibles ou nous emmène derechef dans les entrailles du Monde Souterrain, je ferai front de concert, car l’action est vertu qui honore ceux qui sont tombé. Je n’ai pu me faire présent à l’enterrement de Tauron, car le Commencement place soin avant mise en terre, mais Souvenir qui est Sien sera cœur de nos futurs mouvements.
Inclinant sa tête en un dernier salut à la réponse de son supérieur hiérarchique au sein de la Garde Lunaire, le moine se dirigea alors vers l’endroit où se couchaient ses frères d’armes. Prêt à sombrer le sommeil en vue de la nouvelle épreuve qui se profilait. Prêt à agir ainsi que Draaz le commandait.
Les Aigles d'Arolavie : Yardan, adepte du Dieu-Dragon - Moine de niveau
6
CA
15 - PV
45/45 (6d8) - DV
6/6 (d8+2) - Points Ki
6/6 - Héroïsme
3/3 - Gourde
10/10